Dans l'exposition "Elles font l'abstraction" consacrée à l'abstraction au féminin qui s'est achevée en août 2020, le Centre Pompidou présentait dans une section intitulée "Abstractiser le réel, la ligne organique", une seule oeuvre - au demeurant la seule qu'il détient - de la peintre américaine Georgia O'Keeffe (1887-1986) inscrite au panthéon des figures de l'art nord-nord-américain du 20ème siècle.
Et en septembre 2021, après le Museo Nacional Thyssen-Bornemisza de Madrid et avant la Fondation Beyeler de Bâle, le Centre Pompidou accueille la centaine de peintures, dessins et photographies constituant une rétrospective dédiée élaborée par ces trois institutions avec le partenariat du Georgia O'Keeffe Museum sis à Santa Fe.
Didier Ottinger, le directeur adjoint du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou qui en assure le commissariat, a opté pour un parcours chronologique (vidéo de l'exposition in situ) qui retrace cinq décennies de création placée sous le signe d'un syncrétisme singulier en laissant au visiteur la tâche du décryptage et de l'analyse synthétique d'une oeuvre qui a connu, et connaît encore, maintes affiliations nonobstant sa cohérence et sa continuité interne.
Georgia O'Keeffe, de la figuration à l'abstraction "hard edge", le rapport de l'art et de l'infini
Grâce à la promotion soutenue opérée dès 1916 par la Galerie 291, tête de pont de l'art moderne, co-fondée par le photographe Alfred Stieglitz qu'elle épousera, elle est consacrée de son vivant, dès 1928 avec une première rétrospective à Brooklyn et la seule artiste femme figurant dans l'exposition "Painting and Sculpture by Living Americans" au MoMA en 1930 (voir le diaporama in situ).
Et, érigée en icone nationale, elle sera même associée à la figure héroïque et féministe des années 70 avec l'activisme du Feminist Art Movement : la photographe Mary-Beth Ederson la positionne à la place du Christ dans une cène regroupant les Women Artits ("Some Living American Women Artists") tout comme Judy Chicago l'insère dans son installation "The Dinner Party".
Entre temps, elle est célébrée comme héritière du paysagisme américain qui procède de la fusion du romantisme, du naturalisme et du symbolisme, puis rattachée au vitalisme de l’Art nouveau et le biomorphisme avec ses fleurs en gros plan, tel "Inside Red Canna" reproduite pour le visuel de l'affiche, appréhendées comme érotiques selon une grille de lecture psychanalytique, au mouvement du "regional modernist" avec une américanité intégrant les éléments de la culture des natuves quand elle résidait au Nouveau Mexique ("Cow Skull : Red, White, and Blue"), au précisionnisme sous influence du cubo-réalisme, l'art néo-conceptuel et l'abstraction ("Green, Yellow and Orange") et au " colorfield painting" (Blue II").
Le visiteur pourra au coeur de sa déambulation prendre la mesure des tropismes qui prévalent dans les deux genres picturaux de prédilection de Georga O'Keeffe.
D'une part, la peinture de paysage, des plaines natales du Wisconsin ("Real Orange from the plains") à celle désertiques du Nouveau Mexique terre d'adoption ("Black Mesa Landscape") en passant par le paysage urbain avec les buidings newyorkais ("New York Street with the moon").
D'autre part, la peinture de fleurs, mais dans un procédé macrocospique façon zoom photographique et tous deux entendus comme la transcription d'émotions personnelles du paysage spirituel enracinée dans le sentiment panthéiste de la nature ainsi que du beau et du sublime qui dépasse - et transcende - la représentation du réel et pose le rapport de l'art à l'infini.
Et il prendra la mesure de la dimension cosmique de l'art de Georgia O'Keeffe notamment avec la prévalence de la forme organique du cercle ou de la spirale en fil rouge ("Red Hills- Lake George", "Abstraction White Rose","Evening Star n° VI", "Blue I", "Abstraction Dark Green", "East River from the Shleton") diaporama de l'exposition in situ
En préambule à la visite :
le documentaire de la BBC "Georgia O'Keeffe By Myself"
une sélection d'oeuvres sur le site du
Georgia O'Keeffe Museum
l'exposition à Madrid
A voir en vidéo la conférence de Didier Ottinger "Les coulisses de l'exposition Georgia O'Keeffe" dans laquelle il souhaite montrer la relative marginalité de cette artiste dans le grand récit de l'art moderne
A écouter en podcasts la visite commentée par Anna Hiddleston-Galloni, attachée de conservation au Musée ational d’art moderne-Centre Pompidou
Les expositions récentes :
"Georgia O’Keeffe et ses amis photographes" au Musée de Grenoble en 2015
"Georgia O'Keeffe" à la Tate Modern en 2016 avec une vidéo panoramique "Journey in the world of Georgia O'Keeffe"
"Georgia O'Keeffe: Living Modern" au Brooklyn Museum en 2017
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