Monologue théâtral de Koffi Kwahulé interprété par Julia Leblanc-Lacoste dans une mise en scène de Kristian Frédric
Dans la partition monologale "Arletty - Comme un oeuf dansant au milieu des galets", le dramaturge Koffi Kwahulé décline un de ses thèmes récurrents qu'est la violence faite aux femmes, tel dans ses précédents textes "Jaz" et "Nema" sous l'angle de la critique politique et sociétale.
Et ce sous le prisme historique, celui des heures noires de l'épuration lors de la libération de la France et la chasse aux femmes coupables de "collaboration horizontale", avec non une de ses victimes anonymes, mais une cible à la notoriété publique.
En effet, il opère sous forme d'une mise en abime du biopic d'une actrice emblématique du cinéma français des années 1940, notamment sous la direction de Marcel Carné dans les films inconiques "Les Visiteurs du soir", "Les Enfants"du Paradis", "Hôtel du Nord" et "Le Jour se lève", clouée au pilori par ses amours et amitiés "dangereuses".
Comme de célèbres aînées plébéiennes des Années folles, Arletty se positionne de manière radicale en femme libre. Elle aime la vie et ses plaisirs de toute nature, prône le commandement christique "Aimez-vous les uns les autres" et s'affranchit de codes de la "bienséance" imposées aux femmes.
Mais elle est rattrapée par la "bienpensance", celle s'érigeant en autorité morale et justicière des moeurs visée dans la chanson "La mauvaise réputation" de Georges Brasssens : "les braves gens n'aiment pas qu'on prenne une autre route qu'eux, je ne fais pourtant de mal à personne en suivant mon chemin de petit bonhomme".
Koffi Kwahulé a opté pour un titre métaphorique qui renvoie à la résistance de compression de la coquille d'oeuf qui cependant peut se fêler instantanément pour évoquer l'attitude exemplaire d'Arletty qui s'est refusée à toute repentance pendant cette période tragique.
Kristian Frédric assure avec acuité la mise en scène, et la scénographie judicieuse, de ce seul en scène fougueux émaillé de nombreuses citations dans lequel Arletty se dessine comme la figure tutélaire d'une une actrice d'aujourdhui.
Il est dispensée par Julia Leblanc-Lacoste comédienne à la belle palette dramatique et au jeu organique qui, certes, restitue le franc-parler, la gouaille et l'insolence de la protagoniste, mais surtout porte magistralement cet exercice d'admiration.