Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Marguerite Duras, adaptation et mise en scène de Sylvain Gaudu, avec Simon Copin, Sylvain Gaudu, Antoine Gautier, Morgane Helie, Pierre Ophèle-Bonicel et Anne-Céline Pellarini.
Pour sa première création, la Compagnie Le Pavillon 33, fondée en 2017 par Sylvain Gaudu et Antoine Gautier, n'a pas choisi la facilité en optant non seulement pour le genre de l'adaptation théâtrale mais pour un texte littéraire, de plus, un roman de Marguerite Duras et de surcroît de l'opus "La pluie d'été". Ecrit en 1990, il constitue la deuxième variation, après le film "Les enfants" qu'elle a réalisé en 1985, d'un conte pour enfants intitulé "Ah ! Ernesto" inclus dans un album datant de 1971 que son auteure qualifiait ainsi "C’est un puzzle éparpillé, une énigme, un mystère", avec pour protagoniste un jeune garçon hors du commun, sur-valorisé par l'auteure et érigé en prophète de vérité. Sur toile de fond de misère prolétarienne et du tropisme de l'enfance, "La Pluie d'été" ne constitue pas un simple constat social bien que soutenu par une idéologie libertaire car ressort également au récit d'apprentissage et au conte philosophique, avec les récurrences durassiennes de la métaphysique du vide et de l'absence de Dieu. Ainsi qu'à la critique politique notamment sur le rôle de l'éducation nationale et l'idéologie de la nouvelle école avec le manifeste-antienne du gamin sur son refus d'aller à l'école "parce qu'on y apprend des choses que je ne sais pas" et ce par le truchement de la dialectique savoir/connaissance. Sur scène, la partition de Sylvain Gaudu, signataire de la scénographie et de la mise en scène, traduit bien cette complexité structurelle, de même que la composition formelle avec les inserts narratifs et les séquences dialoguées, en se déployant dans un emboîtement formel de scènes de tonalités différentes. Celles traduisant les relations et réactions intrafamiliales oscillent entre le réalisme et le registre émotionnel des dialogues entre Ernesto et sa soeur, et celles dans lesquelles interviennent personnes extérieures au microcosme familial qui, dans le contexte de l'espèce, revêtent un caractère quasi irréaliste par leur contenu discursif. Sur scène, elle est portée par Pierre Ophèle-Bonicel (Ernesto), Simon Copin (le père frustre et caractériel), Morgane Helie (la mère désemparée aux fulgurances intellectuelles), Anne-Céline Pellarini (la soeur fragile), Antoine Gautier (l'instituteur imbu d'autorité obtuse) et Sylvain Gaudu (le journaliste obséquieux). Tous formés à l'Ecole du jeu dirigée par la comédienne Delphine Eliet, avec une mention spéciale pour Pierre Ophèle-Bonicel qui imprime une crédibilité au personnage, officient efficacement en synergie et avec une remarquable cohérence de jeu.
De la belle ouvrage. |