La froidure, le winter qui coming, les feuilles mortes dans les pelles, tout ça tout ça dehors et alors ? Puisqu’en dedans on est pas mal, plutôt bien même. Ce soir, c’était la petite bise qui brise les dernières traces de soleil et de la chaleur inside. Une soirée aux artistes qui n’habitent pas le monde de la même façon.
Refuge, l’électro teinté d’Orient et d’introspection. L’homme porte bijoux et robe, le regard rêveur et la voix lointaine, il chante la rudesse du chemin, des premiers pas, des chutes et de la douleur qu’on ressent encore quand on se relève, la fierté de se tenir debout. En anglais et en français, les paroles se haussent parfois de notes perchées ou de murmures plein de promesses : "A travers tes cernes tes larmes ton sourire".
Un acolyte aux percussions et une compagne au clavier, le trio joue des sonorités indiennes aux accents électro. La musique se fait planante, elle caresse l’âme et l’entraîne dans une folle sarabande, les yeux mi-clos et le corps abandonné. Les thèmes abordés ne sont pas des plus folichons, entre les doutes, et la difficulté à trouver sa place dans le monde, mais qu’importe, la musique est lumineuse, l’univers est élégant.
Un moment à tâtons, pour se laisser emporter au fil des notes à la manière d’une jeune fille en fleur, la grâce des timides en plus. Un petit tour et puis s’en va, le cœur ailleurs, dans un Orient paisible où les percussions pulsent de loin en loin.
Noir. Un plastique suspendu dans le fond, une paire de musiciens que j’ai cru jumeaux pendant de longues minutes (jusqu’à la fin en fait) et le personnage de ma prochaine heure : Aurus. Littéralement habité, l’homme est à lui tout seul un univers mystique et possédé. Il concentre l’énergie de la salle entière et l’envoie valser dans tous les sens, pour le plus grand plaisir d’un public conquis et complice.
Les cordes vocales oscillant de là à là, en passant ici et tout là-haut, puis tout en bas, il chante, il scande, il murmure, il chuchote, il invite, il envoûte ; en créole et en anglais des mélodies oniriques. Des percussions venues du fond des âges aux murmures d’un clavier, le champ mélodique est complet. Envoûté, le public est comme hypnotisé par cet étonnant personnage capable d’incarner à la fois l’air et le feu dans sa prestation.
L’homme radieux, c’est Bastien Picot, il parle des médias, de l’instant présent et de la masse humaine qui se ressemble comme des moutons dans un troupeau. Ses airs tribaux donnent des envies de briser des cercles et de s’envoler sans s’inquiéter de la chute, de prendre des risques et de rebondir comme baudruche au soleil. Hypnotique et décomplexé, le moment est solaire.
Un voyage ? Une aventure ? Un dépaysement ? Un peu des trois et tout à la fois, la soirée fut un moment essentiel, entre deux mondes, entre deux états, au milieu et des deux côtés à la fois, entre océan et nuages, terre et vertiges, tradition et modernité.
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