Fable dramatique du Collectif 2222, mise en scène de Thylda Barès, avec Victor Barrère Andrea Boeryd, Paul Colom, Elizabeth Margereson, Ulima Ortiz et Tibor Radvanyi.
Au titre énigmatique du spectacle "Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ?" correspond une affiche-photograhie qui interpelle car ambivalente.
En effet, par l'attitude des sujets, elle s'inspire de la maxime des trois singes de la sagesse mais avec un quatrième individu qui fait un doigt d'honneur. Cela signifie-t-il qu'à la représentation originelle de l'occultation et du déni face à des situations gênantes s'ajoute celle de l'indifférence assumée ? Cependant compte tenu du fait que ceux-si sont des seniors, faut-il l'appréhender comme un détournement significatif au regard de la thématique traitée par le spectacle ?
Belle entrée en matière pour une partition qui traite du thème de la vieillesse qui devient une préoccupation sociétale majeure avec l'augmentation exponentielle du nombre des "chères têtes banches" constituant la population du 3ème âge et des personnes en fin de vie qualifiée de 4ème âge. Le Collectif 2222 entreprend de le traiter de l'intérieur à travers le parcours de cinq résidents d'une maison de retraite selon sa vocation dédiée, celle du théâtre du mouvement, le registre du burlesque, pour s'affranchir du pseudo-réalisme du théâtre documentaire ou du pathétisme naturaliste, et le genre de la fable pour introduire une judicieuse distanciation.
Et ce entre fable dramatique et farce clownesque aux accents tragiques et instillée d'inserts musicaux qui permet différents niveaux de lecture pour tous publics.
L'opus privilégie la pantomime pour narrer une journée type dans une maison de retraite dont le personnel soignant, toujours aux aguets pour maintenir une discipline digne d'un internat quasi militaire, organiser des activités de crèche au mieux de garderie et éliminer toute tentative d'autonomie et d'individualité, est troublé par le comportement dissident d'une vielle dame qui veut à tout prix s'enfuir au prix d'un ultime acte libertaire.
Thylda Barès assure la mise en scène efficace de cette création collective élaborée à partir d'une écriture de plateau consécutive à une enquête sur le terrain, en dirigeant six comédiens venus d'horizons géographiques différents investis dans le théâtre corporel et ayant, comme elle, suivi l'enseignement basé sur l'étude du mouvement dispensé par l'Ecole Internationale de Théâtre Jacques Lecoq.
Victor Barrère, Andrea Boeryd, Paul Colom, Elizabeth Margereson, Ulima Ortiz et Tibor Radvanyi campent de manière émérite plus d'une dizaine de personnages - dont les principaux protagonistes en jeu masqué avec les demi-masques bouffons façonnés par Lucien Cassou - pour dresser un impitoyable constat sur la représentation négative de la vieillesse, un naufrage selon une expression célèbre, les sociétés dites "de la longévité" et l'industrie de la vieillesse. |