Comédie de Ben Jonson, adaptation et mise en scène par Carine Montag, avec Frédéric Roger, François Bérard (ou Richard Delestre), Emmanuel Guillon, Régis Chaussard, Philippe Manesse (ou Arnaud Bruyere), Isabelle Laffitte, Patrick Courtois (ou Rémi Goutalier), Timothée Manesse et Carine Montag.
Sous la houlette de Carine Montag qui en signe l'adaptation, la scénographie et la mise en scène, la Compagnie de La Lune propose une version jubilatoire au dénouement inattendu car faussement moral d'une comédie datant de 1606 concoctée par Ben Jonson, dramaturge anglais contemporain de Shakespeare. Intitulée "Volpone", elle délivre une satire féroce sur la multiséculaire et pérenne trilogie argent-sexe-pouvoir qui régit le monde depuis la nuit des temps et se présente comme une hybridation de la comédie à l’italienne et de la fable animalière, notamment par le patronyme signifiant des principaux protagonistes, actionnée par la conventionnelle relation maître-valet et la condamnation de l'imposture. Appliquant judicieusement le précepte antique et éprouvé selon lequel la comédie doit divertir et instruire, Carine Montag a opté pour le registre de la farce ludique qui cependant ne perd pas de vue le fond du propos mais s'inscrit dans le genre du théâtre populaire, dépourvu de la connotation péjorative souvent injustement attachée, et permettant plusieurs niveaux de lecture.
Donc, dans un décor et des costumes qui renvoient à la ligne claire du théâtre de tréteaux, et avec des intermèdes mis en musique par Paul Montag, avanti pour la Venise du 17ème siècle où sévit le richissime et sans scrupules Volpone (Frédéric Roger éblouissant en fieffé renard jouant le dernier râle du malade imaginaire pour mieux embobiner ses proies) qui, dépourvu de descendance, use du stratagème de l'agonie pour manipuler son entourage en éprouvant sa cupidité.
Aidé de son serviteur-complice Mosca, telle la mouche du coche aiguillonnant les prétendants à la galette et frère d'armes du Scapin "habile ouvrier de ressorts et d’intrigues" (François Bérard parfait dans l'opportuniste servitude ancillaire et la basse flagornerie dont il attend un retour sur investissement), il abuse avec délectation de trois pseudo-respectables notables qui défilent dès potron-minet pour prendre des nouvelles de leur promis héritage.
Par ordre d'entrée en scène, l'avocat Voltore, le vautour campé par Emmanuel Guillon avec une remarquable préciosité dans le narcissisme orgasmique, le vieillard Corbaccio, le concupiscent à l'allure de vautour nécrophage auquel Régis Chaussard apporte une couleur defunèsienne et père dénaturé reniant son propre fils (Timothée Manesse épatant en fier-à-bras), et le marchand Corvino avec Philippe Manesse hilarant en infatué corbeau.
Et ceux mariés n'hésitant pas en offrant leurs épouses, consentante ou rétive respectivement campées avec justesse par Isabelle Laffitte et Carine Montag pour soutenir leur candidature. Mais, quand la justice, avec son roublard représentant interprété par Patrick Courtois, s'en mêle...
Carole Montag dirige avec efficacité cette bande de joyeux drilles dispensant avec allégresse, le sur-jeu ad hoc et une once de bienvenue parodie, cette partition annoncée comme "une comédie virevoltante et cynique" qui, réussie, assure un éclairant divertissement. |