Il y a des œuvres qui n’ont pas leur pareil, des expériences de lecture uniques en leur genre qui nous frappent lorsqu’on ne s’y attend pas. Ce que Frida m’a donné compte sans aucun doute parmi celles-ci.

Rosa Maria Unda Souki est une peintre vénézuélienne qui expose aux quatre coins du monde. Après avoir passé cinq années à observer sous toutes les coutures la Casa Azúl de Frida Kahlo au Mexique, à la dessiner et la peindre, elle prépare une exposition de cinquante-quatre de ses toiles à Paris et c’est durant les trois mois qu’elle passe en résidence d’artiste que naît Ce que Frida m’a donné.

A la croisée entre le documentaire, le journal intime, la biographie, le catalogue d’exposition et l’autobiographie, l’artiste nous ouvre parallèlement la porte de la célèbre Casa Azúl, celle de l’atelier 207 du Couvent des Récollets et celle de sa maison d’enfance à Guama, propulsant le lecteur à ses côtés entre ses souvenirs, ses doutes, ses réflexions et au milieu de tout cela, comme un spectre, plane la présence fantomatique et puissante de Frida.

Le texte enrichi de nombreuses illustrations et d’annotations, donne au lecteur la singulière impression de voir à travers les yeux de Rosa, renforçant l’intimité de cet ouvrage. Elle y aborde, avec beaucoup d’émotions, son enfance à Guama, au Venezuela, elle y décrit sa maison, des souvenirs de son père, lui aussi artiste, et de son frère mais aussi les conséquences des mouvements politiques sur la population vénézuélienne.

On y trouve également des liens avec la vie de Frida, avec sa maison bleue et petit à petit se tissent des réflexions de l’autrice à la fois sur l’art, l’artiste, mais aussi le souvenir, le travail, la transmission, l’amour, la famille, et au fil des pages elle dessine un hommage pudique mais poignant à Frida Kahlo mais également à son propre père.

Croyant à l’origine me lancer dans une biographie originale de la plus célèbre peintre mexicaine vue sous le prisme des vestiges de sa vie dans la Casa Azúl, c’est un portrait singulier des deux artistes que j’ai finalement découvert.

D’une part Rosa Maria Unda Souki et son style graphique qui m’évoque quelque chose de très technique, d’architectural, haut en couleur et surtout riche en détails et en symboliques. D’autre part Frida Kahlo, si fascinante pour beaucoup, racontée ici avec une pudeur et un respect admiratifs tout en retenue et en intimité derrière le regard de Rosa.

Ce que Frida m’a donné est indubitablement une surprenante et merveilleuse expérience de lecture qui a su me transporter à l’autre bout du monde, mais qui a aussi et surtout su m’émouvoir sans que je puisse m’y attendre. Il s’agit d’une œuvre passionnante et multidimensionnelle servie par une plume sincère et puissante.

Je tiens à souligner que vouer une quelconque admiration à Frida Kahlo en premier lieu n’est pas du tout indispensable pour pouvoir apprécier à sa juste valeur l’ouvrage de Rosa Maria Unda Souki. Pour autant, il s’agit d’un sublime hommage, loin des clichés et des représentations banales qu’on a pu connaître jusqu’ici, qui vous emmènera bien plus loin que vous ne l’auriez imaginé.