Apagogie
(Yapadka / L'Autre Distribution) janvier 2022
L’enfant sur les barricades, l’homme haut comme trois pommes, Govrache est le Gavroche des temps modernes, celui qui lance des pavés pour y trouver la plage. Récompensé par l’académie Charles Cros, il a depuis déposé sa guitare manouche et pris les percussions pour slammer ses textes finement ciselés dans son troisième album Apagogie.
L’apagogie est un raisonnement par l’absurde, à l’image de l’absurdité des vies que nous n’aspirons pas tous à rendre meilleure. Govrache met en exergue les comportements de nos quotidiens ahuris "esclave du système et convaincu d’en être le roi", entre "Black Friday" et "Saigneur en paillettes", il a la lame puissante et le propos vigoureux.
Ayant saisi l’importance qu’une belle robe s’accompagne de belles chaussures, Govrache s’est entouré d’Adrien Daoud à la contrebasse, d’Antoine Delprat aux claviers et de Guillaume Sené au beat / sample. Les compagnons lui ont fourni un bel écrin musical en guise de toile pour les tableaux de ses textes.
D’une comparaison grinçante des masses aux pigeons : "Entre plumage et béton gris, qu’importe les merdes qu’on leur lance, ils courent après et disent merci, et le seul truc qui nous fait peur c’est qu’les pigeons peuvent nous chier dessus, s’ils se mettent à prendre de la hauteur, on est foutus, donc pour pas te faire chier sur la tête jette leur des miettes, ça les rend ouf, ils ont des ailes ouais mais t’inquiète, ils ne s’envolent pas tant qu’ils bouffent". Govrache regarde le monde par une autre lucarne, celle qui cisaille et taille un costume trois pièces aux ventripotents du capital.
Mais il ne se contente pas de montrer du doigt la génération des écrans et des transactions virtuelles, il chante la bise toxique et les publics non essentiels (non essentiel) avec émotion. Il devient troublant de sincérité dans la peau d’un ado qui sèche sur sa récitation : "dormeur ne m’en veut pas, je te laisse mourir une fois de plus et en grand poète que je n’suis pas j’te quitte avec à plus dans l’bus, on se recroisera peut-être dans quinze ans, et si tu sais toucher mon âme c’est parce que ce sera le bon moment, et pas parce que t’es au programme" ("Le dormeur du râle").
Mélancolique et réaliste, Govrache sait être juste et touchant, il est à la fois le peintre et le tableau des émotions qu’il engendre. Loin de susciter le rejet des faits qu’il décrit, l’artiste invite à l’indulgence, en toute sincérité. Ni donneur de leçon ni victime, encore moins bourreau, Govrache est un faiseur de mots bourré de talent. Qui pique un peu quand même.
"J’ai envie de sourire bêtement et marcher en n’ayant rien en tête sauf cette petite mélodie qui te rappelle comme on peut être heureux quand le monde s’arrête" ("Quand le monde s’arrête"). Pareil.
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