Réalisé par Patrick Sobelman et Hugo Sobelman. France. Documentaire. 1h55 (Sortie 9 février 2022).
Depuis les films de Claude Lanzmann et de Wang Bing, on sait que filmer en plans fixes quelqu'un qui raconte son histoire, surtout si elle est un témoignage de la grande Histoire, est autant du cinéma, sinon plus, qu'une reconstitution historique avec des milliers de figurants.
En 1994, Patrick Sobelman a donc filmé sa grand-mère, Golda dite Maria, assise dans son fauteuil, toute de bleu vêtue, les cheveux d'un blanc argenté.
Sauf quelques photos, quelques documents d'archives et un film de famille, on va rester sur elle pendant le temps de son récit. Un témoignage, à l'origine, destinée aux siens. Ceux qui auraient pu ne pas naître si elle n'avait pas survécu à l'un des pires événements du siècle passé, "l'extermination des Juifs d'Europe", selon la formule de Raoul Hillberg.
Avant tout, "Golda Maria" de Patrick et Hugo Sobelman permet de faire revivre une belle personne, quelqu'un qui aurait eu sans doute un tout autre destin qu'être une grand-mère lumineuse si la barbarie nazie n'avait pas croisé son chemin et celui de sa famille d'origine polonaise.
Golda Maria se raconte avec sérénité et sans se mettre en avant. Elle décrit sa vie en Pologne avant d'être obligé de fuir vers la France où elle s'est retrouvée de nouveau confrontée à la menace hitlérienne après la défaite de 1940.
Précise, jamais abstraite, toujours pleine d'humanité, la vieille dame retrace ses années noires commencées par un passage en Suisse raté et suivie par son internement dans les camps allemands.
L'épisode le plus terrible est celui où elle est séparée de Robert, son fils de trois ans qu'elle confie à sa belle-mère à son arrivée à Birkenau. Elle apprendra plus tard que cette séparation l'a sauvé de la mort qu'il va immédiatement connaître avec sa grand-mère.
On imagine que toutes les souffrances qu'elle va endurer ne seront rien par rapport à la perte de son petit enfant. Pendant l'enregistrement, elle dira à Patrick et Hugo que Robert n'a cessé d'être avec elle dans la longue vie d'après sa survie.
Elle parle de tout ça avec une grande dignité, sans aucun pathos. On sent qu'elle n'aurait pas pu dire tout ce qu'elle dit si ce n'était pas l'un de ses descendants qui était derrière la caméra. On sent aussi que ses bourreaux n'ont pas pu lui apprendre à haïr et qu'elle a gardé toute son humanité, voire qu'elle a décuplé ses capacités d'aimer les autres et les siens.
"Golda Maria" de Patrick et Hugo Sobelman mérite d'être en salles et restera dans sa rigoureuse simplicité un film nécessaire et finalement porteur d'espoir. |