Théâtre des Déchargeurs
(Paris) jeudi 10 février 2022
La nouvelle équipe du Théâtre des Déchargeurs, racheté dans une période particulièrement difficile pour le spectacle vivant, a décidé de mettre un coup de projecteur sur la jeune scène musicale française. Chaque mois, un artiste différent a la chance et l'opportunité de présenter son travail, plusieurs soirs, dans la petite salle du théâtre. Cette salle, d'une capacité d'une vingtaine de places assises, aux murs de pierre, offre la certitude d'assister à des prestations intimistes dans des conditions tout à fait confortables.
Pour ce mois de février, c'est Bleu Reine qui occupe le plateau tous les jeudis et vendredis.
Emmené par Léa Lotz, ce groupe, qui a plusieurs compositions sur Bandcamp dont une excellente reprise de "Eisbär" de Grauzone, se présente ce soir-là en formation batterie - basse - claviers - guitare - voix.
Mais, avant d'interpréter en public son premier album, La Saison Fantôme, dont la sortie est prévue cette année, Léa Lotz accueille une autre jeune formation dont on devrait reparler prochainement, Collage de France.
La tête pensante de ces nouveaux venus dans le paysage musical francophone n'est pas tout à fait un inconnu puisqu'il s'agit de Rémi Antoni, compositeur et chanteur au sein d'Orouni, qui abandonne donc, au moins pour un temps, l'anglais.
À la guitare sèche, accompagné de Cyriane Girouard à la basse électrique, le groupe ouvre avec "Mutique" sous influence Ray Davies, puis, rejoint par Léa Lotz aux claviers, interprète en second morceau, "Bleu froissé", sur lequel la voix de Cyriane rappelle les chansons en français de Petula Clark. La découverte en live des morceaux ne permet malheureusement pas d'apprécier pleinement les textes alors qu'on connaît la passion de Rémi Antoni pour les mots.
Vient ensuite, sans temps mort, Bleu Reine. Quelques problèmes techniques, qui se traduisent en larsens ou en instruments muets, gâchent un peu le début d'un set qu'on commence à réellement apprécier seulement à partir du quatrième morceau, "L'Eau Qui Dort". Certainement en raison des motifs de la chemise du claviériste, mais aussi des ambiances sombres gothiques mâtinées de folk, ces chansons me rappellent l'univers de Danielle Dax.
Les titres qui composeront La Saison Fantôme déclinent un nuancier d'ambiances tantôt en retenue, parfois plus expansives. Ainsi "Pâle Lumière", délicatement introspectif, se distingue par ses plages synthétiques. Ensuite "Automne Orange" se révèle plus pop et cinématographique, tandis que "Grenat" fait se rencontrer chanson et synthpop. Quant à "Lorelei", il ne s'agit pas d'une reprise des Cocteau Twins, mais peut éventuellement démontrer un lien entre les sources d'inspiration de Bleu Reine et de la scène dream pop et cold wave.
À l'issue du concert, chacun se lançait dans le jeu des comparaisons et des influences. Untel y retrouvait des accents de La Féline, tandis que tel autre y voyait un rapport à Radiohead pour l'usage des claviers. Ou encore Aldous Harding pour certaines trames mélodiques. Comme on peut le constater, la palette sonore de Bleu Reine est riche et ses compositions intrigantes. On attend donc maintenant avec impatience la sortie physique de cette Saison Fantôme.