Réalisé par Clio Barnard. France. Drame/Romance. 1h35 (Sortie 2 mars 2022). Avec Adeel Akhtar, Claire Rushbrook, Ellora Torchia, Shaun Thomas, Natalie Gavin, Mona Goodwin, Krupa Pattani et Vinny Dhillon.
Si l'on était dans un film de Ken Loach, les amours d'Ali (Adeel Akthar), musulman d'origine bengali, et d'Ava (Claire Rushbrook), quinquagénaire très anglaise, seraient bien plus éprouvantes. les déterminants sociologiques entraveraient le bon déroulement de leur histoire dans une ville de Bradford forcément parcourue par des tensions raciales.
Clio Barnard, la réalisatrice du "Géant égoïste" (2013), met le curseur ailleurs. Sans nier le contexte, elle donne à voir un "feel good movie" où les rapports humains transcendent les rapports sociologiques.
Ava est une mère courage qui doit gérer sans mari des grands enfants pas vraiment autonomes, d'autant que son fils a une femme et un enfant. Ali, séparé de sa compagne, mais sans le dire à ses proches, vit dans la musique, son casque sur les oreilles.
Apparemment, il y a un décalage social entre cette assistante scolaire et cet éternel adolescent qui paraît caché un "intellectuel" en éternel devenir. Mais Ava, accaparée par des enfants venus trop tôt, n'a pu échapper à la condition de mère au foyer. Dans le travail qu'elle occupe aujourd'hui, elle est amené à connaître Ali qui vient chercher sa nièce à l'école.
Le reste doit beaucoup à la musique et notamment à la chanson de Bob Dylan, "Mama you been on my mind".
Dans "Ali & Ava" de Clio Barnard, on n'aura pas de grandes scènes de tension ni d'explication. La cinéaste préfère avancer par petites touches. Elle ne nie jamais les problèmes, mais a confiance dans des personnages toujours bienveillants pour les surmonter et les résoudre au mieux de leurs intérêts communs.
Evidemment, on est naturellement enclin à croire que les petits pavillons de Bradford abritent des racistes et des sectaires dans chaque communauté. Clio Barnard montre au contraire que le "vivre ensemble" règne et dépasse les petites incompréhensions passagères. Ce n'est, a priori, pas ce qui peut nourrir un scénario, mais elle y parvient grâce à deux comédiens formidables. Jamais leur attraction réciproque ne paraît factice.
Ce qu'ils doivent surmonter est plus en eux que chez les autres. Ali, l'introverti, saura-t-il convaincre Ava, qui n'a aucune confiance dans les hommes suite à son mariage catastrophique, qu'elle doit enfin lâcher prise pour cesser de vivre uniquement pour les autres et qu'ils fassent route commune ?
Cette belle histoire est-elle trop belle ? C'est au spectateur de décider s'il préfère que le cinéma lui montre quelque chose de plus beau que la vie, quelque chose qui combat la pseudo réalité statistique, ou de l'y ramener comme d'habitude.
Dans "Ali & Ava" de Clio Barnard, on fait confiance à l'attraction des corps et des âmes, et c'est tant mieux.
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