Drame écrit et mis en scène par Djamel Saïbi, avec Emma Dubois et Eric Moscardo.
La Déesse Compagnie fondée en 1998 et dédiée au théâtre de sensibilisation et de prévention axé sur des sujets contemporains sensibles présente avec "Les Ecchymoses Invisibles" une partition de Djamel Saïbi qui traite du pandemonium conjugal.
Et ce dans sa modalité la plus dramatique, celle de la violence conjugale, longtemps minimisée voire invisibilisée et révélée dans son ampleur par la médiatisation de certaines affaires et la vague de dénonciation des violences faites aux femmes suscitée par le mouvement #MeToo.
Djamel Saïbi indique dans sa note d'intention qu'elle a été élaborée comme une fiction documentaire, car inspirée de cas réels, pour mettre en situation une violence physique suggérée mais une violence psychologique"sans volonté de distanciation" afin de procéder à "une recherche d’identification au personnage qui ne puisse pas laisser de répit aux témoins".
Cette ligne directrice qui décline le phénomène de l'emprise, dont il assure la mise en scène avec maîtrise, est complètement réalisée sur scène avec un huis-clos sous très haute tension qui ressort au courant théâtral britannique du "In-Yer-Face" caractérisé par un réalisme percutant voire brutal destiné à malmener la conscience du spectateur voire provoquer une réaction physique.
La situation est celle de l'emprise d'un pervers narcissique qui depuis deux décennies procède à la manipulation de son épouse qu'il rendu totalement dépendante, avec notamment la pratique du double bind, en raison du lien amoureux dont elle ne peut se libérer.
Avec une écriture très précise et documentée sans verser ni dans lemanichéisme primaire ni dans un naturalisme misérabiliste dressant subtilement le portrait mental des protagonistes qui se dégage de leurs altercations verbales, Djamel Saïbi situe l'action au moment où la victime sur le point de sombrer définitivement est assaillie par un ultime sursaut vital qui passe par la libération de la parole.
Sous très haute tension dramaturgique et humaine et des lumières crépusculaires, l'opus est délivré par des comédiens remarquables par leur capacité d'incarnation de personnages dont la psychisme est profondément et gravement altéré.
Eric Moscardo investit le profil du persécuteur caractériel et cyclothymique dépourvu du garde-fou du libre arbitre, et Emma Dubois porte la problématique paradoxale de la soumission qui oscille entre le déni, l'excuse et la culpabilité, tous deux dans la justesse de ton et la rigueur du jeu maîtrisé. |