Voilà un ouvrage dont j’avais entendu parler il y a déjà quelques mois que j’attendais avec impatience. Booker Prize 2021, La promesse de Damon Galgut vient donc d’être publié aux éditions de l’Olivier. Damon Galgut est né en 1963 à Pretoria, en Afrique du sud. Lauréat de nombreux prix littéraires, il est l’un des plus célèbres romanciers de son pays.
1986, dans une ferme non loin de Pretoria. La famille Swart fait ses adieux à la matriarche, Rachel. Avant de mourir, Rachel a fait une promesse : léguer à Salome, leur domestique noire, la maison dans laquelle elle vit. Cette décision divise le clan et la solennité du deuil ne parvient pas à masquer les dissensions qui se font jour. Les langues se délient, les rancœurs et les convoitises s’exacerbent au point de faire voler en éclats les liens qui unissent les uns et les autres. Cette promesse doit-elle être tenue et à quel prix ?
Le roman suit les Swart sur trois décennies, de 1986 à 2018. Alors que l’Afrique du Sud se transforme profondément, le racisme et la violence s’infiltrent encore partout, jusque dans la vie intime de chacun. À travers le déclin d’une famille protestante, c’est toute l’histoire d’un pays que Damon Galgut dessine en filigrane dans une langue virtuose qui nous fait entendre les voix de chacun de ses personnages.
Vous savez que j’aime beaucoup les romans qui ont pour toile de fond l’histoire, ici celle d’un pays bien particulier, marqué par un régime terrible que fut l’apartheid qui s’accompagna aussi d’une terrible corruption.
L’ouvrage débute avec le récit d’Amor, qui va devenir rapidement le fil conducteur du lecteur, une jeune fille qui vient de son pensionnat pour l’enterrement de sa mère Rachel. C’est elle qui va se sentir la seule concernée par la promesse faite par sa mère à sa domestique.
On a coutume de dire que souvent la mort rassemble des familles. Ici, chez Damon Galgut, la coutume n’est pas toujours présente, ce rassemblement ne tenant que quelques temps, tombant très vite dans des dissensions qui touchent au racisme mais aussi aux différences de religion. A cela s’ajoutent des rancoeurs, de la vengeance et parfois même de la bêtise.
La grande qualité de l’ouvrage, au-delà de sa construction roman choral où l’on entend la voix des différents personnages vient de la superbe écriture de l’auteur mais surtout du ton qu’il prend soin de donner à son ouvrage. Ce ton décalé qui embaume l’ouvrage, parfois grotesque a le mérite de bien évoquer l’histoire de cette Afrique du Sud, de témoigner de l’absurdité de ce régime reposant sur les différences de races. Il montre aussi que la fin de l’apartheid n'a pas permis d’éradiquer le racisme dans un pays encore très violent qui en conserve encore beaucoup de vestiges.
On voit parfaitement l’évolution de cette famille autour de quatre parties qui correspondent à la mort et l’enterrement de quatre personnes de cette famille, à dix ans d’intervalles à chaque fois. Une famille qui poursuit une décadence en même temps que le régime de l’apartheid se meure. Une famille comme le symbole de cette politique sud-africaine qui ne savait que diviser quand elle pensait faire le contraire. Entre les différentes périodes, l’auteur prend soin de ne pas donner d’informations concernant les différents personnages, on voit leur évolution au sein du chapitre suivant, particulièrement celle de Salomé, qui avance doucement, au gré de cette promesse, qui revient sur le tapis à chaque fois.
La promesse est au final une époustouflante fresque familiale qui, au détour d’un serment ou d’une promesse trahie, témoigne de l’histoire terrible d’un pays qui est très loin d’en avoir fini avec ses vieux démons. Il offre au lecteur une reflexion profonde sur l’histoire de l’Afrique du Sud avec une profondeur et une sensibilité remarquables. |