Réalisé par Elisabeth Vogler. France. Comédie dramatique. 1h25 (Sortie 27 avril 2022). Avec Alice de Lencquesaing, Noémie Schmidt, Manuel Severi, Paul Scarfoglio, Zoé Fauconnet, François Rollin et Adil Laboudic.
Avant toute autre chose, "Années20" d'Elizabeth Vogler restera dans les annales comme une prouesse cinématographique, une performance conceptuelle qui n'a jamais eu - vraisemblablement - de précédents.
En effet, il s'agit ici de suivre un film en un plan séquence sur 6 kilomètres, tourné dans Paris, et cela en ne se facilitant pas la tache puisqu'on n'y suivra pas un ou plusieurs personnages statiques ou se déplaçant de la plus rectiligne des manières.
Au contraire, dans "Annés20" d'Elisabeth Vogler, les personnages vont être multiples et, partant de la Pyramide du Louvre, on va emprunter à pied, en rollers ou en deux roues, un long chemin qui aboutira aux Buttes-Chaumont, avec un final qu'on ne dévoilera pas et qui ajoute encore à la difficulté de l'entreprise.
Pour être complètement clair, Elisabeth Vogler a repris le dispositif de "Slacker" (1990), le film culte de Richard Linklater inspiré plus ou moins de la "Ronde" de Max Ophüls.
Dans chaque scène, intervenait à un moment un personnage qui devenait le centre de la séquence suivante, faisant ainsi bifurquer "Slacker" en permanence. Le trublion pouvait intervenir dans la scène ou bien simplement passer dans le champ.
Dans les deux cas, la caméra cessait de s'intéresser à ceux auxquels il s'était joint pour le transformer, un court instant, en personnage principal prêt à subir un peu plus tard le même sort que ses devanciers... En visionnant le film, on s'apercevra que le procédé est bien plus simple à voir qu'à expliquer.
En y ajoutant la contrainte d'un plan séquence dans une grande ville peuplée, qui va peser dans le tournage et fournir moult problèmes à résoudre, qui auront aussi l'avantage de faire office d'aléas, Elisabeth Vogler se complique encore la vie.
Le film voulait marquer la fin du premier confinement, en saisissant son retour à la "normale", on peut affirmer qu'il y réussit totalement et que c'est un vrai plaisir de se perdre avec la réalisatrice dans ce Paris en train de revivre.
Mais "Années20" d'Elisabeth Vogler, comme son titre l'anticipe, cherche également à donner une dimension générationnelle à son propos. Les 14 séquences qui font s'entrecroiser une bonne vingtaine de personnages sont majoritairement constituées de dialogues entre jeunes gens et ce n'est pas un hasard si la moins réussie des saynètes est jouée, on peut l'affirmer, par François Rollin en producteur de stand-up.
Le reste de la population sur l'écran vit et s'exprime "jeune". Avec peut-être , mais Paris s'y prête sociologiquement, une légère surreprésentation des jeunes bourgeois, ceux qu'on nomme les "bobos".
Reste, qu'à l'exception de deux ou trois séquences pas totalement réussies - ce qui est un bon résultat statistique - la mayonnaise prend et que, peu à peu, on sent naître, de cette confusion que se plaît à montrer le film, la possibilité pour tous les protagonistes, de faire un corps unique dont l'union pourrait faire la force...
On n'en dira pas plus pour que chacun puisse se faire son opinion sur un film qui clivera principalement par sa forme. Si l'on estime que le septième art en est vraiment un, "Années20" d'Elisabeth Vogler mérite un coup d'œi
On peut parier sur son devenir : réussira-t-il ou pas dans sa volonté de faire date ? Si le film n'y parvient pas, il devrait néanmoins donner des idées à d'autres jeunes cinéastes qui eux aussi refusent le conformisme narratif ou la déconstruction facile.
A suivre... |