"Les miroirs sont des objets trop civilisés, trop maniables, trop géométriques, ils sont avec trop d’évidence des outils de rêve pour s’adapter d’eux-mêmes à la vie onirique". Gaston Bachelard

A Room of Mirrors est la première sortie du label Gemelli, qui tire son nom de l'ensemble spécialisé dans la musique vocale du XVIIème siècle créé en 2018 par Emiliano Gonzalez Toro et Mathilde Etienne et ayant pour vocation de "défendre les pièces majeures de cette époque comme des partitions moins connues voire inédites". Particularité importante de l’ensemble : "une direction musicale spécifique : les dynamiques partent du chant, du plateau vocal, le continuo et l’orchestre étant considérés comme une expansion du chant". Et cela s’entend dans ce disque, comme déjà dans la superbe version de l’Orfeo de Monteverdi paru en 2020.

Il est donc question ici de miroir, au sens propre comme métaphorique.

Le miroir questionne le rapport à soi autant qu’à l’autre. De chaque côté du miroir donc les ténors Emiliano Gonzalez Toro, sûrement actuellement l'un des meilleurs chanteurs du répertoire de l'opéra baroque et Zachary Wilder.

Tout au long des œuvres de Vincenzo Calestani (Damiglia tutta bella), Francesco Turini (Dove ten’vai), Biagio Marini (La vecchia innamorata), Girolamo Frescobaldi (Se l’aura spira), Annibale Gregori (Mai non disciolgasi), Sigismondo d’India (Dialogo della rosa, Piangono al pianger mio, Giunto alla tomba, Langue al vostro languir), Angelo Notari (Intenerite voi) etc., les deux voix jouent de complémentarité (entre les timbres de chacun notamment, celui aérien de Zachary Wilder et celui plus charnu, sensuel, saillant d’Emiliano Gonzalez Toro) et virtuosité.

Mais les jeux de perspectives, de symétrie, de couleurs, d’expressions se font également avec les différentes nuances des œuvres, les parties instrumentales, impeccablement interprétées par l’ensemble I Gemelli (même si parfois un peu en retrait) et dans le rapport de ces compositeurs face à Monteverdi.

Une totale réussite !