Les éditions Tishina, fondées en 2012, publient de célèbres romans en versions illustrées. Travaillant en étroite collaboration avec des illustrateurs, ils repensent des ouvrages comme Des Souris et des Hommes (John Steinbeck) ou Le Soleil des Scorta (Laurent Gaudé) afin d’en proposer une nouvelle expérience de lecture.
En 2021 paraît leur quatrième ouvrage : Fup (l’Oiseau Canadèche), un roman de Jim Dodge dont la première parution française remonte à 1985. Pour en réaliser la version illustrée, les éditions Tishina ont fait appel à Tom Haugomat, artiste français, illustrateur et auteur de bandes dessinées et d’albums jeunesse.
Dans l’ouest américain, le vieux Jake recueille et élève son petit-fils, Titou, dans un ranch. Alors que l’enfant est devenu jeune homme, il trouve un caneton que son grand-père baptisera Canadèche (Fup en version originale), qui se développera dans des proportions étonnamment imposantes pour un canard et sera vite accepté comme nouveau membre de cette famille.
Entre l’excentrique Jake qui doit presque toute sa vie au hasard des jeux, persuadé de détenir un élixir de vie éternel dans la recette de whisky imbuvable dont il se nourrit, et Titou, orphelin réservé, passionné par la construction de clôtures qui ne servent à enfermer aucun animal, Canadèche s’intègre avec une humanité déroutante.
Jim Dodge déroule ainsi au fil des pages une fresque tendre et touchante à la frontière de l’absurde et du fantastique.
L’Oiseau Canadèche est un ouvrage dont la plume vive et franche m’a évoqué quelque chose de très cinématographique. Lors de ma lecture, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer certaines scènes avec le style intemporel et haut en couleur du duo formé par Joel et Ethan Coen.
Onirique et décalé, Fup est un joli conte, parfois drôle et brute, mais loin de ce que j’imaginais en en découvrant le résumé. Ce qui aurait aisément pu tomber dans l’histoire pathétique d’une famille de l’ouest rural américain entre deuil, solitude et élucubrations alcoolisées est en réalité un conte initiatique, une fable étonnante dans laquelle l’amour filial tient une place omniprésente teintée d’un optimisme pudique.
Fup est de ces livres que l’on peut relire et redécouvrir à différents moments d’une vie.
Impossible de parler de cette réédition de Fup (l’Oiseau Canadèche) sans évoquer les magnifiques illustrations de Tom Haugomat. Dans un style minimaliste en aplats de couleurs vibrantes, l’artiste donne vie au texte et le sublime. Au fil des illustrations, nous découvrons les paysages grandioses qui font le quotidien de nos protagonistes, mais également des instants emprunts de douceur ou de mélancolie.
Il est indéniable que le travail éditorial réalisé par Tishina avec la contribution de Tom Haugomat est remarquable et fait beaucoup dans l’appréhension du récit de Jim Dodge. Plus que de rééditer un roman, ils ont effectivement réussi à transformer l’expérience de lecture du texte initial à travers un objet livre d’une grande qualité.
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