Spectacle circassien conçu et mis en scène par Camille Boitel et Sève Bernard interprété par Camille Boitel avec Juliette Wierzbicki pour la manipulation d'objets.

"Fissure", c'est le nom du clown imaginé et interprété par Camille Boitel. Il le présente comme le "héros de la nullité", celui qui "fait tout moins bien que les autres".

Pourtant, quand on le voit en scène, dans sa pauvre chambre de bohème d'antan, avec son parquet plein de trous et ses objets désuets dont il ne sait pas se servir, on a la même compassion que pour les grands burlesques, champions de l'autodestruction de leur propre univers.

Compassion et tendresse pour ce grand maladroit qui semble plutôt inspiré d'un personnage du théâtre kabuki que l'héritier d'un clown de la grande tradition ayant fréquenté les chapiteaux occidentaux. Perruque rouge, visage fariné, grand manteau vert, il y a de l'élégance presque affecté chez ce long taciturne maladroit.

Il va méthodiquement transformer tout ce qui l'entoure en champ de ruines avec une tristesse mêlé d'impassibilité, provoquant des rires mécaniques parmi un public presque gêné de ne pouvoir lui prodiguer des signes d'encouragements. Non, il est impossible qu'il ne réussisse rien, qu'il rate tout. Camille Boitel a beau le connaître mieux que son spectateur, on ne le croit pas : Fissure n'est pas le champion de la nullité.

La preuve ? C'est qu'il se démultiplie, qu'à chaque mort symbolique, il se relève. Qu'il sort du placard où il est en réserve. Qu'il tente un nouveau tour quand il a raté le précédent. Opiniâtre, obstiné, jamais méchant... Ne sont-ce pas là des qualités humaines qui font de cet apparent grand pantin autre chose qu'un être pathétique ?

Camille Boitel et sa metteure en scène Sève Bernard, n'explorent pas simplement avec un talent hors normes les limites modernes de la clownerie, mais ont introduit Fissure dans le cercle réduit des clowns authentiques et ont su lui insuffler l'énergie spirituelle pour qu'il appartienne à une galaxie qui ne compte pas beaucoup d'élus depuis Buffo. Au-delà de la maîtrise des arts circassiens, Camille Boitel déploie tout un art poétique et sait le faire partager en animant son clown à la triste figure.

Quand on sort de cet univers qui pourrait être étouffant, on est transformé pour un bon petit moment. On n'oubliera pas ce personnage singulier qui aura, selon la loi du genre, accumulé toutes les bévues et l'on ne pourra que remercier Camille Boitel pour ce moment de grâce unique qu'il ne faut évidemment pas rater.