Spectacle de théâtre opératique d'après l'oeuvre éponyme de Giuseppe Verdi, mise en scène de Tom Goossen, avec Filip Jordens, Karlijn Sileghem, Lars Corijn, Esther Kouwenhoven, Tom Goossens et Wouter Deltour.
Le metteur en scène flamand Tom Goossens propose un atypique spectacle intitulé "Rigoletto ou le roi s'amuse" dont le titre renvoie à deux oeuvres célèbres, l'opéra de Giuseppe Verdi inspiré du fameux mélodrame hugolien.
Un avertissement liminaire s'impose pour les spectateurs puristes et/ou pompeux mélomanes qui ne s'assoupissent pas durant la représentation ou auraient omis leurs bouchons d'oreilles car celles-ci vont déguster. En effet, le spectacle résulte de la collaboration de trois compagnies belges - le Muziektheater Transparant, la Deschonecompanie fondée par Tom Goossens et la Compagnie Marius, dont Waas Gramser et Kris Van Trier ont élaboré la partition, qui oeuvrent dans le théâtre musical et la réinterprétation d'opéras et ce à l'aune de l'humour et de la parodie. Donc ainsi est annoncée une couleur immanquablement iconoclaste. Alors certes l'argument - à savoir celle du destin fatal du bouffon du roi qui voit sa fille adorée tomber dans les griffes du luxurieux souverain, alors même que tel le barbon de "L'Ecole des femmes" de Molière il la garde recluse et dont la vengeance, par un inattendu coup du sort, se retourne contre lui - est conservé avec cependant un déroulement en version resserrée. Mais en la forme, l'opus opère selon le mode du "mix and match" par un jubilatoire télescopage entre les répliques versifiées de Victor Hugo, le livret de l'opéra et un texte original surnuméraire à la langue contemporaine usant à l'envi d'anachronismes et de locutions triviales de même que des couplets inédits qui se superposent aux grands airs verdiens qui l'émaillent. Ce traitement radical, à ne pas confondre avec irrévérencieux, opère une étonnante et roborative translation stylistique au plan musical vers l'opéra-bouffe et l'opéra-comique et au plan théâtral vers le spectacle performatif parfaitement maîtrisé par les officiants.
En effet, au jeu et au chant, dans un décor minimaliste évoquant le théâtre de tréteaux de Johannes Vochten et accompagnés au piano par Woulter Deltour qui assure la direction musicale, un quintet survitaminé.
Car Filip Jordens, avec des intonationations breliennes au chant, qui incarne Rigoletto, héros tragique aussi grotesque que sublime, les chanteurs lyriques, Esther Kouwenhoven, soprano, et Lars Corijn, ténor, remarquables dans les rôles de la fille du bouffon et du roi, et en charge multi-rôles, Karlijn Sileghem et Tom Goossens dispensent une prestation de haut vol.
Une superbe réussite dans un registre hors norme.
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