Spectacle théâtro-musical d'après l'oeuvre éponyme d'Alessandro Baricco, mise en scène de Pascal Guin, avec Pascal Guin et Christofer Bjurström.
Souvent à l'affiche, "Novecento Pianiste", monologue-phare de l'écrivain et dramaturge italien Alessandro Baricco et morceau de bravoure pour comédien, a - et heureusement et singulièrement - inspiré Pascal Guin et Christofer Bjurström de la Compagnie Théâtre Bleu dédiée notamment au spectacle alliant théâtre et musique vivante et au registre du récit-concert. D'autant que l'opus se présente comme un texte à emboîtements comportant outre un récit factuel sur un destin, un milieu et une époque, une réflexion sur l'art musical et sur la vie, et, surtout, une intrigue reposant sur le choix de vie du personnage-titre. En effet, l'histoire de Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento, enfant né et abandonné sur un paquebot de croisière du début du 20ème siècle et devenu un pianiste virtuose et notoire au sein de l'orchestre Atlantic Jazz Band qui en assure l'animation musicale, est relatée de manière rétrospective par le trompettiste Tim Tooney devenu son ami. Celui-ci s'interroge sur le parcours de vie hors du commun de Novecento tenant notamment au fait qu'il n'a jamais mis pied à terre y préférant le microcosme clos du navire, ce qui constitue l'intrigue dramatique implicite tenant à l'alternative quant à l'origine de cette situation, à savoir une névrose d'angoisse ou un choix existentiel. En symbiose avec l'oeuvre d'Alessandro Baricco dont la formation en musicologie irrigue l'écriture, Pascal Guin et Christofer Bjurström proposent un récit-jazz dans lequel coexistent les mots, dans la superbe traduction de Françoise Brun, et les notes. Celles-ci résultent des époustouflantes compositions originales et improvisations de Christofer Bjurström avec une partition qui fait merveille tel dans les épisodes épiques de la danse avec l'océan et du duel entre Novecento et le pianiste qui se croît l'inventeur du jazz. Christofer Bjurström a déjà travaillé sur l'élément marin pour son album intitulé "Ecume de mai" et sur le phénomène de l'écume, empreinte de la mer, transposable à celle de la présence au monde de l'homme dont seule est connue l'écume de leur vie ce qui, en l'occurrence, constitue une des clés de lecture. Dans une belle scénographie lumineuse, le spectacle remplit totalement son objectif annoncé dans la note d'intention comme "Un comédien, un musicien, un jeu de lumières" pour susciter "le voyage intérieur émotionnel du spectateur". Il se concrétise sur scène avec, en smoking classieux, chaussures vernies bicolores et borsalino, Guin, narrateur à la belle faconde et au jeu expressif parfois expressionniste et Christofer Bjurström tout en sobriété minimaliste, arc-bouté sur le clavier tel Glenn Gould avec le mouvement presque imperceptible des mains effleurant les touches. Ils officient dans une parfaite synergie pour dispenser ce bouleversant voyage dont le dénouement suscite non seulement un profonde émotion mais également une vraie réflexion métaphysique. Excellentissime. |