Monologue dramatique d'après la nouvelle éponyme de Guy de Maupassant conçu par André Salzet et Sylvie Blotnikas et interprété par André Salzet dans une mise en scène de Sylvie Blotkinas
Maître dans l'art de la narration classique, le comédien André Salzet se consacre, avec la Compagnie Carpe Diem qu'il dirige, à la transposition scénique de textes littéraires sous forme de partition pour un acteur.
Après Franz Kafka ("La colonie pénitentiaire"), Stefan Zweig ("Le joueur d’échecs"), Michel Quint ("Effroyables jardins") et Honoré de Balzac '"Madame Bovary"), il poursuit son exploration des oeuvres des grands auteurs dont l'humain est au coeur de l'oeuvre avec "Boule de suif", la première nouvelle écrite par Guy de Maupassant ressortant au corpus des "Contes normands".
Celle-ci commence, certes dans un contexte grave, celui de la défaite française lors de la Guerre de 1870, mais néanmoins comme une pittoresque chronique de guerre avec une peinture des caractères relatant la fuite en diligence de savoureux personnages portraiturés avec un réalisme balzacien.
Mais un événement va provoquer une tension dramatique révélatrice de leur vraie nature et de leur coalition ostracisante qui trouve à se manifester sur la passagère intruse, femme galante surnommée "Boule de Suif" en raison de ses charmes opulents, dont l'origine plébéienne la désigne comme victime sacrificielle alors même qu'elle manifestera la belle grandeur d'âme de l'héroïne du quotidien.
Car observateur de l'ordre social de son temps, Guy de Maupassant livre une analyse sociologique sans concession de l'obséquiosité et du mépris de classe des élites et des nantis, tant civils que religieux et militaires, pour le peuple et de leur hypocrisie morale qui entre en résonance avec les représentants de la bien-pensance contemporaine.
Au terme de l'adaptation en forme de récit dialogué conçue avec Sylvie Blotnikas qui en assure la mise en scène avec pour seul dispositif scénique le jeu de lumières réglé par Ydir Aczf et quelques courtes ponctuations musicales issues du répertoire de César Franck, André Salzet endosse tant le rôle du narrateur extra-diégétique que, ponctuellement, celui des protagonistes dont la bassesse morale les unit dans la lâcheté et l'indignité.
Sans verser dans le mélodrame ni le numéro d'acteur et passeur émérite de textes, il dispense une superbe et éclairante prestation unanimement saluée.
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