Quel plaisir que celui de retrouver un ouvrage des éditions Perrin, qui plus est quand il traite d’une période historique, ici même d’un événement sur lequel j’ai lu très peu d’ouvrage. Cao Bang, 1950, c’est le nom du dernier ouvrage d’Ivan Cadeau, un officier supérieur, docteur en Histoire, chef du bureau Terre au service historique de la Défense. Spécialiste des guerres de Corée et d’Indochine, il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages, certains déjà publiés chez Perrin.
Il est vrai que lorsqu’on s’intéresse à la guerre d’Indochine, on entend souvent parler de la défaite de Dien Bien Phu. Moins connue mais tout aussi meurtrière, la bataille de la zone frontière, appelée aussi bataille "de la route coloniale 4" ou "de Cao Bang" porte en elle les germes de la catastrophe qui, au mois de mai 1954, précipitera la fin de la première guerre d’Indochine.
Quatre années avant Dien Bien Phu, les combats qui se déroulent au mois d’octobre 1950 à la suite de l’évacuation de Cao Bang conduisent au premier désastre du corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient et se soldent par la perte de milliers de ses soldats.
Cette défaite de Cao Bang n’est au final connue que des passionnés de la guerre d’Indochine. L’ouvrage nous montre comment Dien Bien Phu et ses conséquences l’ont occultée. Le faible écho de cette bataille s’explique pour plusieurs raisons, traitées dans le livre.
Cette défaite sanctionne une mauvaise conduite de la guerre par les gouvernements de la IVe République, et une stratégie opérationnelle incohérente menée, en Indochine, par les plus hautes autorités civiles et militaires. Mais les hésitations, les tergiversations et les oppositions individuelles qui caractérisent, du côté français, la première phase du conflit entre 1946 et 1950 va se payer du prix du sang de soldats qui, en sous-effectifs et mal équipés, font face à un adversaire de plus en plus nombreux et de mieux en mieux instruit. Le Viêt-Minh et son bras armé, l’armée populaire du Vietnam, bénéficient en effet à partir de 1949 de l’aide conséquente du "grand frère chinois" et de ses conseillers militaires.
La lecture de cet ouvrage aura été pour moi une excellente surprise, m’ayant permis de compléter mes connaissances sur cette guerre d’Indochine. L’ouvrage nous montre bien le tournant que fut cette défaite de Cao Bang. Il nous montre bien que la victoire de Mao et la proclamation de la République populaire de Chine, un an plus tôt, ont changé la donne.
A partir de là, le Viet-Minh et l’armée populaire du Vietnam ont pu disposer d’un sanctuaire pour équiper et instruire leurs troupes à l’abri d’une intervention française. Très vite, dans ce contexte particulier, les postes qui gardent la RC 4 à la frontière entre la Chine et le Vietnam et les convois qui les ravitaillent deviennent des proies faciles pour l’adversaire.
L’ouvrage s’appuie sur des sources vietnamiennes inédites, met brillamment en scène cette tragédie en décrivant jour après jour les combats, l’héroïsme des protagonistes ainsi que les tergiversations du pouvoir politique qui ne comprend pas qu’une victoire en Indochine est déjà inconcevable.
Cao bang est un ouvrage passionnant, on ne voit pas les pages défiler en le lisant. Précis et érudit, il est déjà un ouvrage référence sur cette guerre d’Indochine. |