Spectacle musical conçu et interprété par Arnaud Askoy accompagné par les musiciens Roland Romanelli et Jean-Philippe Audin (en alternance Sébastien Debard et Florence Hennequin) dans une mise en scène de Pierre-Nicolas Cléré.
Plus de quarante ans après sa mort, plus de cinquante ans après qu'il a cessé de chanter en public, Jacques Brel continue de fasciner ceux qui écoutent ses disques. Grâce aux images d'archive, on peut le voir chanter quelques-unes de ses chansons les plus mythiques dans des récitals.
Dans son costume cravate, ruisselant de sueur, laissant échapper force postillons de sa mâchoire aux dents mal rangées, il interprète avec passion des chansons composées comme des tableaux flamands.
Impossible donc, pensait-on, qu'on puisse ressusciter ce Grand de la chanson française, en essayant de l'imiter physiquement et techniquement. Et pourtant, c'est ce qu'accomplit chaque fois qu'il monte sur scène Arnaud Askoy.
Sur le papier, les arguments de ceux qui trouvent sans intérêt l'exercice de faire revivre un chanteur mort, voire malsain, peuvent convaincre. Mais, dès qu'apparaît Arnaud, bien qu'on soit prévenu qu'il a une vraie ressemblance avec Jacques, sans qu'on puisse honnêtement parler de "sosie", les doutes tombent.
Astucieusement, le chanteur de 2022 commence son tour de chant par une chanson du dernier album de Brel, "Les Marquises". Une chanson que le chanteur belge n'a jamais interprété sur scène. Arnaud Askoy récidivera plus loin avec un très émouvante version de "Jojo".
Dès lors, si la voix ressemble fortement à celle de Brel, les mimiques et la gestuelle sont originales. On n'est pas gêné par l'effet produit et quand, pour les autres chansons, il revient aux gestes originaux, on n'a pas l'impression qu'il est dans la copie.
A vrai dire, on se met surtout à écouter les chansons, à les réécouter attentivement. Elles dégagent toujours une grande puissance et Arnaud Askoy sait articuler tout en cherchant à retrouver le phrasé de l'auteur de "Madeleine" ou des "Bourgeois".
Jamais il ne se traîne à la recherche de la vitesse originelle. Techniquement, il est convaincant dans les plus rapides, comme "Vesoul" ou "Amsterdam". Et surtout, il produit de l'émotion, garde pendant tout le spectacle la même intensité. Il faut ajouter qu'il profite aussi des arrangements de Roland Romanelli, qui l'accompagne aussi régulièrement sur scène au piano et à l'accordéon.
Quand, à la fin de son tour de chant, bien composé et rassemblant la quintessence du répertoire de Jacques Brel, il se met enfin à parler au public, Askoy fait preuve d'une grande modestie et avoue qu'il y a quelque chose de "mystérieux" dans ce qu'il fait, lui qui avoue avoir été quinze ans inspecteur de police !
On se doute qu'être dans la peau d'une personnalité aussi forte, une personnalité qui suscite encore autant d'admiration, n'est pas chose commune. Qu'il ne soit pas du sérail, ait assimilé en quelques années ce que Brel a mis plus longtemps à affiner, laisse à penser qu'il est doué et qu'il peut, à long terme, y avoir un conflit entre l'interprète serviteur d'un maître et le chanteur qui pourrait aussi avoir envie d'un répertoire à lui, d'autant plus qu'il a publié quelques recueils de poésie.
Pour l'heure, chaque spectacle ne peut qu'améliorer sa prestation déjà très convaincante. Il fera fortement plaisir à ceux qui rêvaient d'entendre de nouveau du Brel sur scène, et même ceux qui n'adhéraient pas au principe reconnaîtront que "La Promesse Brel" est un spectacle de qualité où souffle souvent l'esprit du Grand Jacques. |