Comédie de Mary Chase, mise en scène de Laurent Pelly, avec Jacques Gamblin, Christine Brücher, Pierre Aussedat, Agathe L'Huillier, Thomas Condemine, Emmanuel Daumas, Lydie Pruvot, Katell Jan, Grégory Faive et Kevin Sinesi.
Qui est donc ce "Harvey" qui a les honneurs du titre de la comédie qualifiée de loufoque concoctée par Mary Chase, journaliste américaine et auteure des années 1940-60 pour le théâtre et la littérature jeunesse ?
Révéler son identité ne constitue pas un crime de lèse majesté déflorant le point d'articulation de l'intrigue car celle-ci est annoncée in limine : Harvey est une créature invisible sortie de l'imagination du gentil quadragénaire Elwood P. Dowd revêtant la forme d'un lapin géant qu'il présente comme son ami.
Et tel le Lapin blanc aux yeux roses portant gilet et nœud papillon d'Alice au pays des merveilles qui l'amène à traverser le miroir, il constitue le véhicule par lequel ce personnage, présenté comme farfelu et lunaire, signifie son décrochage du réel et le fil rouge de la partition de Mary Chase qui aborde notamment le thème de la perméabilité de la frontière entre la normalité et la folie.
Ne supportant plus cette situation qui obère sa vie mondaine et compromet le mariage de sa fille, la soeur d'Elwood décide d'y remédier de manière radicale et sans aucun état d'âme par son internement dans un asile d'aliénés.
Dans la version française résultant de la traduction d'Agathe Mélinand, la partition de format long, près de deux heures, ressort au vaudeville par ses quiproquos en chaîne, au conte humaniste par ses considérations sous-jacentes sur le droit à la différence et la tolérance et à la farce teintée de noir pour l'approche de la thérapie des fous avec un épilogue opportuniste : mieux vaut un inoffensif marginal en liberté qu'un homme normal soumis à de potentielles pulsions furieuses.
Sans modification de son contexte spatio-temporel, elle est mise en scène de manière quasi chorégraphique par Laurent Pelly axée sur la scansion et la gestuelle de Jacques Gamblin investi du rôle principal qui, en drolatique et magistral funambule, impulse le tempo de ce débridé manège du non-sense dans lequel coexistent différents registres de jeu. dans lequel coexistents différents registres de jeu.
Celui relativement réaliste pour les personnages plutôt sensés, le jeune médecin (Thomas Condemine) l'hôtesse d'accueil (Katell Jan), l'infirmier gros bras (Grégory Faive), la femme de la bonne société (Lydie Pruvot), la nièce (Agathe L'Huillier) et le chauffeur de taxi (Kevin Sinesi).
Pour les autres, la soeur, le mandarin psychiatre et l'avocat de la famille, tous trois superbement campés respectivement par Christine Brücher, Pierre Audessat et Emmanuel Daumas, celui du burlesque comique qui sied à leur allure de toons, non ceux dysnesiens mais celle des inquiétantes figures des films d'animation expressionnistes.
Une interprétation au cordeau pour un excellent spectacle au charme certes désuet mais roboratif par son grain de folie et de poésie.
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