Frédérique Voruz
(Editions Harper Collins) octobre 2022
Quelle drôle de titre que ce Lalalangue et son complément "Prenez et mangez-en tous" qui lui donne une dimension christique en plus ! Une drôle de couverture aussi, avec toujours la croix au passage et une jeune fille installée devant une femme imposante.
Un ensemble qui, pour moi, donne envie d’aller voir ce qui se cache derrière cet ouvrage de Frédérique Voruz, une comédienne et autrice qui a débuté à vingt-et-un ans avec Ariane Mnouchkine et la troupe du Théâtre du Soleil. A vingt-huit ans, elle la quitte et crée le seule-en-scène autobiographique, Lalalangue, mis en scène par Simon Abkarian (qui au passage préface l’ouvrage).
Frédérique est la petite dernière d’une fratrie de sept enfants et son enfance, elle l’a passé à composer avec la honte, le mystique, la peur et l’effroi. A l’origine de tout cela, il y a sa mère qui un jour, enceinte et en compagnie de l’homme qu’elle aime décide de gravir les calanques de Marseille. Un rocher se brise et l’homme qu’elle aime l’entraîne dans sa chute. Elle se retrouve dans le coma et à son réveil, apprend la perte de ses jumeaux ainsi que l’une de ses jambes. Ses premiers mots, "je me vengerai sur les enfants". Cette femme, la mère de l’autrice, a tenu ses promesses, ce que nous raconte l’ouvrage.
A l’aide d’un sens de l’observation sans complaisance sur ceux qui l’entourent et sur elle-même, avec un humour très féroce, l’auteure dévoile un récit de vie glacant sur son enfance en milieu très hostile, un conte cruel où l’ogre se fait ogresse. Elle dévoile une parole comme si elle se retrouve sur le divan d’un psychiatre, pour guérir de ses maux et survivre. C’est d’ailleurs sur cela que débute la préface qui dit que parfois écrire est un art de la survie. Pour l’auteure, transformer les membres de sa famille en personnage de théâtre fut salvateur. Et en même temps, ce fut aussi une réponse à la folie de sa mère.
Les chapitres sont courts, illustrés parfois de petits dessins. Ils racontent les prothèses de sa mère unijambiste, les Nocturnes de Chopin joués par son père-fantome mais aussi les amis clochards avinés dans le salon de ses parents. Elle nous parle des obsessions de sa mère, il ne faut rien gâcher, le refus du plaisir avec l’espoir de gagner un paradis hypothétique.
L’auteure arrive parfaitement à donner de la légèreté sur un sujet plutôt grave concernant cette mère et ce qu’elle fait vivre à ses enfants. On sourit souvent en lisant les histoires de son enfance, sa naïveté d’enfant qui lui fait croire que "Pol Pot" est un homme gentil car il y a Pote dans son nom, que Klaus Barbie devait être adorable puisqu’il portait le même nom que les célèbres poupées. Et pour finir, étant née à la clinique Lambert, elle s’étonnait que Christophe puisse à la fois y travailler tout en tournant dans Highlander.
L’ouvrage se lit très rapidement, il est très plaisant et aussi très drôle. Que cela soit quand sa mère tente de marabouter sa sœur Punk, mais aussi lorsque l’on lit les titres des chapitres qui sont toujours très bien choisis. Evidemment, tout n’est pas drôle car on ressent quand même la souffrance de cette mère suite à son accident mais aussi comment la perte de cette jambe a séparé à jamais deux êtres qui s’aimaient.
Lalalangue est donc une jolie surprise de lecture, un texte écrit pour le théâtre qui nous montre comment l’auteure est parvenue à sortir de cette famille dysfonctionnelle (le mot est faible) grâce au théâtre et à cigarillo, sa psy qui revient souvent dans l’ouvrage.
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