Comédie d'Harold Pinter, mise en scène de Jean-Pierre Durand, avec Matéo Cichacki et Anton Cisaruk.
Pièce en un acte écrite en 1957, c'est-à dire à 27 ans pour son auteur futur Nobel Harold Pinter, "Le Monte-plats" est souvent joué et toujours dans la traduction d'Eric Kahane.
Comme dans ses autres œuvres de la même époque ("Le Gardien", "Une petite douleur"), règne ici un absurde aussi banal qu'inquiétant que Gus (Matéo Cichacki) et Ben (Anton Cisaruk), les deux protagonistes, tempèrent avec des blagues qui font pschittt.
Ils son théoriquement dans un sous-sol désaffecté où ils ont installé deux lits qui méritent à peine ce nom. Quand Ben, l'intello du duo, passe le temps en lisant un journal, c'est une feuille publicitaire froissée qui en fait office. Les deux complices ne sont guère plus reluisants que l'antre imaginé par le scénographe Roméo Sanseau.
Contrairement à quelques-uns de ses prédécesseurs, le metteur en scène Jean-Pierre Durand les décrit très clairement comme deux petites frappes dans l'attente d'un mauvais coup et ne cherche pas à jouer sur une quelconque ambiguïté de leur condition.
On les imagine en tueurs à gage tarantinesques et non en émules de Beckett. Tout dans "Le Monte-plats", est plus Tarantino que Godot, sauf ce monte-plats, très elliptique, et en forme de boîte à lettres suspendue. Son étrangeté est donc relative, surtout pour ces deux psychopathes prosaïques dont les peurs comme les pensées ne dépassent pas le moment présent.
Pinter emmène ses spectateurs une heure en totale médiocrité, dans un monde où la mort est inéluctable car personne n'a assez d'imagination pour qu'on puisse en finir autrement. Métaphore sordide mais logique , "Le Monte-plats" étale fièrement sa trivialité.
Personne ne le regrettera et l'on suivra avec délectation, ou simplement avec indulgence, les élucubrations pathétiques de Ben et Gus que leurs interprètes parviennent à sortir de leur néant existentiel.
Plus de soixante ans après sa création, la pièce conserve son mystère et sa vitalité paradoxale. Pinter est bien un maître et la version prônée par Jean-Pierre Durand, qui s'abstient d'effet superflus, la sert au mieux. |