Comédie d'Olivier Descargues, mise en scène de Patrick Dordoigne, avec Véronic Joly et Olivier Descargues.
Annoncé comme "une dystopie drôle, absurde et cruelle", l'opus "Nouvel Eden, chronique d'un effondrement" d'Olivier Descargues, auteur, comédien, metteur en scène et directeur de la Compagnie Cadavres Exquis, propose une suite de variations séquentielles, de la vignette à la micro-scène, sur le thème des mutations et préoccupations contemporaines.
Empreintes de l'esprit et l'humour dubillardiens, elles reposent sur l'un des fondements du théâtre qu'est la confrontation de deux personnages face à une situation problématique conflictuelle sinon angoissante.
Et donc en l'espèce, déclinées en affrontement aussi instinctuel que métaphysique et rhétorique sur fond des crises sociétale, économique, migratoire, énergétique, sécuritaire et autres du temps présent et d'intensité dramatique variable du Tinder dating raté à la survie post-apocalyptique.
Très réussie tant par l'écriture que par l'édifiant panorama de la condition humaine qu'elle dessine façon pêle-mêle, la partition fait la part belle au burlesque soutenu par un salvateur humour noir pour cadrer le tragique du réel, de la mésaventure individuelle à la catastrophe collective, et oscille entre le sketch comique et la farce loufoque avec une belle brochette de personnages ordinaires.
Des anti-héros entre Bidochon et ravis de la crèche largués sans parachute dans la vie comme sur le plateau vide qui, sous la direction aussi trépidante que fluide de Patrick Dordoigne, s'agitent comme des lapins piégés par les phares d'une voiture et peut-être tirent encore des plans sur la comète sous un ciel sans lucioles.
Et toujours avec un propos de fond même quand illustré de manière prosaïque tels la course de chariots à roulettes dans un supermarché en rupture de stocks à la façon de celle des chars des gladiateurs, le bobo néo-libéral en dérive et sans vergogne qui demande l'aumône à sa soeur vivant en autarcie décroissante et autres tableaux tous d'anthologie.
Au jeu, qui implique une prédisposition frégolienne et une maîtrise des différents registres d'interprétation dont l'expressivité gestuelle, Véronic Joly et Olivier Descargues font merveille en duo de clowns quasi beckettiens.
Hilarant et jubilatoire, le spectacle s'avère outre une pépite théâtrale et un excellent divertissement dans la gamme du rire thérapeutique comme antidote à la morosité et au pessimisme ambiant. |