Comédie dramatique et mise en scène par Emmanuel Meirieu, avec Stéphane Balmino, François Cottrelle, Jean-Erns Marie-Louise, Nicolas Moumbounou et Patricia Pekmezian.
Tout commence par une assez longue vidéo projetée sur le rideau colorée de la scène du théâtre. Une vidéo avec des rayures, comme les aimait le père de François, la voix off qui explique pourquoi on verra des images du célèbre jeu vidéo "Pac-Man" suivies de celles de Marie Myriam chantant "L'Oiseau et l'enfant".
Ce "Je me souviens" en appelle un autre, datant de la même année que cette dernière victoire française à l'Eurovision : 1977, c'est aussi, et peut-être d'abord, le décollage de "Voyager", la première sonde de la Nasa emportant au hasard de l'infini des enregistrements de musiques terriennes.
Le fameux père de François était parmi ceux qui ont fabriqué le disque envoyé dans lequel la musique étasunienne était représentée par le bluesman Blind Willie Johnson, auteur de "Dark was the night, Cold was the ground".
Devenu apiculteur, François, au seuil de la mort, a transmis à son fils sa passion du bluesman et ils sont là, tous les deux, parmi d'autres, à rechercher les restes du musicien enterré à Beaumont (Texas) sur une colline devenue un terrain vague, surmonté d'un vieux panneau publicitaire tagué.
C'est là où, campés par Stéphane Balmino, François Cottrelle, Jean-Erns Marie-Louise, Nicolas Moumbounou et Patricia Pekmezian les cinq personnages impliqués dans le spectacle vont, conformément aux autres textes écrits par Emmanuel Meirieu, se succéder pour raconter leurs vies, leurs rapports avec le sujet traité cinquante ans après l'envoie de la fusée porteuse de nouvelles hors du système solaire...
N'y a-t-il pas, rien qu'en voyant le décor monumental matérialisé ici par Emmanuel Meirieu et Seymour Laval, un hiatus entre la manière positive dont se présente les Terriens aux autres membres potentiels de l'univers et ce que les personnages cherchant là les restes d'esclaves ou de pauvres comme Blind Willie savent de la réalité inhumaine des humains ?
Bercés par la musique de Raphaël Chambouvet, qui a cherché à synthétiser tout ce que le disque devenu interstellaire contenait, conscients de leurs vies misérables sur une planète en danger, chacun raconte un morceau du puzzle dont le tout aboutit à quelque chose de très peu encourageant sur la condition humaine. Pourtant, cet échantillon d'humanité est porteur d'une petite flamme qui ne s'éteindra pas comme ça...
Pas follement gai, "Dark was the night" d'Emmanuel Meirieu envoûtera cependant son spectateur. Ressusciter la mémoire de Blind Willie Johnson, approuver la quête de ceux qui s'en réclament coûte que coûte, ne pas être dupe d'une science à la fois ouvrant les portes des mystères de l'univers et refermant celles de l'humanité, voilà un beau sujet de réflexion sous une forme didactique jamais ennuyeuse, où l'originalité du décor et la conviction des comédiens auront aussi leur part dans l'entière réussite du projet.
Du théâtre à la fois ambitieux et populaire comme on aimerait en voir davantage.