A l'occasion de la sortie de l'album L'innamorata en novembre 2022, nous avons rencontré La Pietà qui nous a eu la gentillesse de nous donner une interview : nous avons parlé de son parcours, de l'évolution de ses projets, de ses textes très personnels où il est question notamment d'amour...

La dernière fois que nous nous étions vus, c'était à l'époque de l'album Chapitres V & VI. Depuis, il y a eu l'album La Moyenne, il y a eu le roman... Aujourd'hui, tu reviens avec un nouveau disque, L'innamorata qui change radicalement au niveau sonorité.

La Pietà : Radicalement, je ne sais pas mais qui change oui.

Quel est le parcours qui t'a amené à ce nouveau disque ?

La Pietà : J'ai créé La Pietà il y a 7 ans maintenant, autour d'une chanson qui s'appelait "La Moyenne" et le roman qui s'appelait "La moyenne... à peine". Tout ça, c'était un seul et même projet. En gros, l'histoire de tout ça c'était comment on fait pour se relever d'une période sombre de notre vie. J'avais envie de raconter ça à la fois dans un roman et dans un disque. Les premiers chapitres que j'ai sortis, les mini EP, que j'ai appelé des chapitres, c'était le cheminement vers l'album qui est sorti en 2020, en plein Covid. Mais pour moi, c'était une seule et même histoire.

Au départ, je m'étais dit dans ma tête, ce projet s'appelle La Pietà et il durera 3 ans. Je ferai des minis EP jusqu'à un album et ensuite ce sera fini. Et en fait, il se trouve que le projet a plutôt plu... Je me suis retrouvée avec des gens qui m'ont suivie, de plus en plus de fans, de salles de concert qui m'ont fait jouer, etc.

J'ai vraiment réfléchi si je tournais la page et créais un nouveau projet ou si je continuais avec le même nom mais en ayant le droit de faire évoluer les choses. Je me suis offert ce droit là en me disant que les gens pouvaient comprendre que dans une vie on évolue. Pour moi, surtout le personnage de La Pietà que j'avais créé au départ, c'était une partie de moi, ce n'était pas toute la personne que je suis.

L'album qui vient de sortir, qui s'appelle L'inamorata, est plus proche de qui je suis. Il y a 12 nuances sur l'amour dans cet album, c'est un peu les 12 nuances de ma personnalité. Il y a à la fois de la colère, il y a encore cette partie là dans cet album, avec un titre comme "Bienvenue", qui est finalement assez proche de ce que je faisais sur l'album précédent et puis il y a des choses beaucoup plus douces, beaucoup plus tendres, il y a de l 'espoir, du désespoir... Il y a un peu toutes ces nuances là !

Pourquoi avoir fait un disque entier sur le thème de l'amour ?

La Pietà : Justement, j'aime bien faire des albums un peu comme des concepts. Pour le premier album, c'était déjà le cas, autour de "La Moyenne" qui était une histoire que je racontais dans un roman puis en musique. Là, c'est un peu la même chose, j'aime bien réfléchir à une thématique.

En 2019 / 2020, j'étais pas mal obsédée par la question de l'amour puisque j'étais seule depuis un bon moment. Et il se trouve que je fais pas mal d'ateliers, les ateliers d'action culturelle, c'est-à-dire les ateliers d'écriture ou de musique que l'on fait dans le cadre d'établissements scolaires, de maisons de retraites, de prisons...

J'ai été très marquée par les ateliers que j'ai faits en maisons de retraites parce que je me suis aperçue que les personnes très âgées souvent perdaient la mémoire, ne se souvenaient de pas grand chose, voire de rien à part de l'amour. Ça venait naturellement dans les conversations, ils me racontaient une histoire d'amour, soit une histoire qui a duré toute leur vie, soit une rencontre lorsqu'ils avaient 15 ans et ils ne se souviennent que de ça à la fin de leur vie donc ça m'a touchée et je me suis posée beaucoup de questions sur ce qui a changé en amour quand on rencontrait quelqu'un en 1944 par rapport à 2020.

Je me suis dit que j'avais envie de faire des recherches là-dessus. C'était un vrai projet de recherches avant tout. Je me suis documentée, j'ai lu, j'ai regardé des films, des documentaires, j'ai interrogé des gens, fait des interviews, j'ai refait des ateliers avec des personnes âgées, avec des enfants.

Tout cela est venu nourrir un bouquin que je suis en train de finir, qui sortira fin 2023 je pense, et cet album sur l'amour. Du coup, c'est une même thématique mais l'idée, c'est que l'album aborde l'amour sous différents aspects...

Sur le premier titre, qui sert d'intro à l'album ("Indécise"), tu fais part de tes hésitations... slam, chanson... Du coup, comment est venu le reste de l'album ? Tu as décidé à un moment d'opter pour le côté chanson, moins slam, moins rock, comme tu faisais avant ou c'est juste les compos qui sont sorties comme ça ?

La Pietà : Alors "Indécise" ouvre l'album effectivement mais c'est la dernière chanson que j'ai écrite. Elle n'était d'ailleurs pas du tout prévue sur l'album, on était déjà en studio avec d'autres chansons de prévues. Et c'est parce que je me posais beaucoup de questions, j'avais beaucoup de doutes qu'un jour j'ai écrit ce texte et que je me suis dit qu'il fallait qu'il soit sur le disque car c'est un peu la clé, l'explication de tout l'album qui vient derrière en fait ! C'était très viscéral et très authentique, ce qui fait un peu l'identité de La Pietà.

Pour répondre à ta question, je ne me suis pas posée la question : est ce que je vais faire un album plus chanson ou plus ceci ou cela ? Au contraire, j'avais envie d'être complètement libre de composer et d'écrire ce que j'ai envie sur le moment.

Quand j'ai commencé à le composer en 2019 / 2020, j'étais beaucoup plus dans une phase où j'étais avec ma guitare acoustique. Du coup, j'écrivais des chansons avec des mélodies comme je faisais avant La Pietà et j'avais tout le temps ces petits démons dans ma tête qui me disaient : "non, les chansons que tu es en train de faire, tu ne peux pas les utiliser pour La Pietà. Ce n'est pas ça La Pietà ! La Pietà, c'est censé être sombre, c'est censé être du slam..." Et justement, ça me bouffait !

Pourquoi c'est censé être comme ça ? Parce que j'ai proposé ça un jour, du coup je suis obligée de faire ça ? Je me suis dit en fait non, je suis en train de me créer des obligations comme si j'avais une maison de disque alors que je suis ma propre maison de disque.

C'est la peur qui fait réfléchir un artiste comme ça... Je me disais que le public qui a aimé "La Moyenne" n'allait pas aimer ce que je faisais de plus doux, de plus mélodique. Après, je me suis dit que ce n'était pas grave. Ma liberté d'artiste, c'est ça. Peut-être que je vais perdre des gens, peut-être que j'en gagnerai d'autres... Et même si je perdais tout mon public, ma vérité, c'est celle-ci donc c'est ça que je dois proposer.

Sur scène, du coup, tu vas alterner les deux périodes ou plus miser sur les nouvelles chansons ?

La Pietà : Ce qui m'a amené à cet album, au niveau des sonorités, c'est que dans la tournée précédente, j'avais fais une session acoustique piano / voix et je me suis rendue compte que j'aimais beaucoup ça. Il y avait la chanson "La salle d'attente" sur un EP précédent en piano-voix et ça avait beaucoup plu. Moi, ça me plaisait de pouvoir mettre en avant mes textes donc je m'étais lancée dans une série de concerts en formule piano / voix. Ça a aussi inspiré le nouvel album car le piano y est beaucoup plus central que précédemment. Avant, il y avait juste un peu de clavier. Là, c'est tout l'album qui est basé autour du piano. En live, c'est surtout ça la différence ! On a un grand piano sur scène et c'est un élément central du live, peut-être plus que la guitare.

Malgré tout, quand j'ai réfléchi au spectacle, j'avais envie de trouver l'équilibre entre cet album plus organique, plus chanson française par une partie des arrangements et le côté énergie que j'avais avant.. Ma nature sur scène, elle est rock, c'est qui je suis, voire punk dans mon attitude scénique, dans l'énergie que j'ai.

Du coup, je crois qu'on pourrait mettre n'importe quelle formule, même s'il n'y avait que du piano, ça resterait rock quand même parce que j'envoie une énergie rock. Très vite, on s'est rendus compte qu'il ne fallait pas essayer de gommer ça ! Donc en live, ça reste très rock ! C'est plus nuancé que ce que nous faisions à une époque, c'est clairement une volonté !

Forcément, on intègre des morceaux de l'album, dont des ballades, donc il y a plus de nuances qu'avant. Je suis très contente de l'équilibre qu'on a en ce moment sur le set et je pense que dans l'ensemble, il y a encore cette énergie rock !

C'est un album plus intimiste aussi, où tu parles plus de toi...

La Pietà : Je ne sais pas si c'est plus intimiste. Dès le départ, La Pietà était très viscérale, authentique et j'y racontais une vraie part de moi, sans que ça soit dans l'autobiographie car on n'est pas dans de la chanson réaliste mais ça parlait quand même de choses vécues.

"La Moyenne" était une chanson très personnelle même si elle a plu à beaucoup de gens et qu'il y avait un côté fédérateur dans le refrain mais le texte en lui-même était très personnel. Je pense qu'il y a toujours ça, j'essaie de garder cette patte-là, de ne pas perdre ça, d'essayer d'être la plus sincère et la plus vraie possible.

Justement, il y a eu l'histoire du masque au début. A la sortie des Chapitres 4 & 5, tu commençais à le retirer et maintenant, tu donnes ton vrai nom... C'est aussi une manière d'assumer ?

La Pietà : Il y avait pleins de raisons qui faisaient que je portais ce masque et que le projet était anonyme. Il y avait cette volonté de créer un personnage qui était sur une émotion principale, qui était la colère parce que j'avais besoin d’exorciser cette colère. Au départ, le projet La Pietà, c'était ça.

Au fur et à mesure, j'ai décidé que La Pietà se soit moi. Évidemment, on porte toujours un masque lorsqu'on est sur scène, même si on n'en a pas un physiquement. On propose quelque chose et heureusement que ce n'est pas toute notre personne qu'on met à nu.

C'est pour ça qu'il y a une chanson dans l'album où je dis mon prénom "je m'appelle Virginie, j'vous l'ai jamais dit..." et j'explique justement pourquoi j'avais mis cette distance par rapport à qui j'étais. Cette chanson, c'est aussi une forme d'explication du parcours qu'il y a eu avec La Pietà et là où j'en suis aujourd'hui.

Et ce nouveau livre sera aussi un peu autobiographique ?

La Pietà : C'est très différent, ce n'est pas vraiment un roman. Je ne sais pas trop comment qualifier ça d'ailleurs. On m'a dit que c'était un peu un essai mais je ne sais pas si c'est vraiment comme ça qu'on pourrait le qualifier.

Le premier bouquin ("La Moyenne A Peine"), c'était vraiment sous une forme romancée. Il y avait un côté autobiographique mais il était romancé. Le nouveau bouquin, ce n'est pas un roman, ce sont des lettres, comme des chroniques sur l'amour mais qui sont écrites sous forme épistolaire.

Je m'adresse à un amour imaginaire. Chaque lettre commence par "Mon Amour" et ensuite, je pose pleins de questions sur l'amour donc chaque lettre est une question sur l'amour. Est-ce que l'amour c'était mieux avant ? Est-ce que l'amour c'est forcément la guerre ? Faut-il s'aimer pour pouvoir aimer les autres ? Toutes ces questions-là sur qu'est que c'est l'amour que je pose sous forme de lettres.