Voilà là sûrement l’une de mes premières belles découvertes de ce début d’année 2023. Cette très belle lecture m’est offerte par un certain Jakob Guanzon avec Abondance, son premier roman, salué par Douglas Stuart, auteur de Shuggie Bain. On comprend pourquoi Abondance a été sélectionné pour le National Book Award et traduit dans plusieurs pays.

Abondance, c’est l’histoire d’un père, Henry, et de son fils de 8 ans, Junior, qui tentent de survivre. Ils dorment dans un pick-up et se lavent dans les toilettes des Mc Donalds. Leur existence n’est faite que d’inquiétudes et de difficultés. Mangeront-ils aujourd’hui ? Où dormiront-ils ? Pourront-ils se laver ? Que faire si l’un d’eux tombe malade ?

Ce roman ne se passe pas au 19e siècle, mais dans l’Amérique d’aujourd’hui, celle des villes meurtries par le chômage, la pauvreté, la violence. Avant Henry avait pourtant un toit au-dessus de sa tête, un boulot, une vie de famille et l’espoir des jours heureux. Mais l’Amérique ne pardonne pas. Henry a tout perdu et doit se battre pour son fils, passer des entretiens d’embauche pour s’en sortir car il doit s’en sortir.

Superbement écrit, l’ouvrage alterne le passé et le présent autour de la vie d’Henry avec des chapitres relativement courts (et nombreux) ayant un titre qui indique une somme d’argent correspondant à ce que possède Henry au moment des faits.

Abondance est évidemment un roman social puisqu’il a pour toile de fond la Nouvelle Amérique et ses nombreux travers, qui laisse sur le carreau de nombreux habitants. Une Amérique marquée par les inégalités criantes et visibles.

Mais c’est aussi un formidable roman sur l’amour d’un père pour son fils, un ouvrage surprenant dans lequel la sensibilité côtoie la dureté. On y trouve des pages très dures mais aussi des pages qui témoignent de la grande tendresse existante entre le père et son fils.

Pour ce duo toujours sur le fil, chaque acte et achat du quotidien est une odyssée cruelle, pour qui n’a presque plus d’argent - et presque plus d’espoir. Roman court inoubliable, à la fois ultra-réaliste et terriblement tendre, Abondance démarre lentement pour devenir beaucoup plus rythmé au fils des pages et des évènements qui s’y déroulent, empêchant le lecteur de vouloir se séparer du livre en cours de lecture.

La valeur d’une vie humaine ne vaut pas grand-chose quand on lit cet ouvrage, elle se limite souvent à son pouvoir d’achat dans un pays où le rêve américain n’est évidemment pas fait pour tous.

Avec ce premier roman, Jakob Guanzon s’affirme comme un auteur en devenir qui risque d’être attendu pour son prochain roman tant celui-ci est une réussite.