Comédie dramatique de Martin Crimp, mise en scène de Sylvain Maurice, avec Isabelle Carré, Yannick Choira et Manon Clavel.
C'est dans un décor unique composé principalement d'une longue table en bois, sur laquelle repose un téléphone fixe en bakélite noir que Sylvain Maurice met en scène "La Campagne" de Martin Crimp.
Derrière la table, un grand rectangle de lumière placé verticalement qui pourra changer de couleur durant le spectacle. Sous la table, un grand carré bleu pouvant simuler un tapis, qui pourra lui aussi changer de teinte. La table, couleur bois, prendra, également, dans la seconde partie, des couleurs, donnant l'impression qu'on l'a revêtue d'une nappe à fleurs.
Cette courte pièce, qui pourrait n'être que radiophonique, n'existe que par le rythme qui lui est donné par le metteur en scène et ses trois comédiens. Pas question pour eux de prendre leur temps, de créer des silences, d'essayer de respirer un peu dans ce récit qui saisit un couple dans la campagne anglaise.
Très rapidement, on apprendra qu'ils sont des Londoniens et que ce n'est pas vraiment par passion qu'ils se sont installés à la campagne. Richard (Yannick Choirat) est médecin et il n'a quitté la capitale que pour vaincre son addiction aux stupéfiants. Sa femme Corinne (Isabelle Carré) semble l'avoir beaucoup soutenu, même si elle se préoccupe maintenant surtout de ses enfants.
Quand, une nuit, son mari revient à la maison avec une inconnue, Rebecca (Manon Clavel), qu'il prétend avoir trouvé étendue sur une route pendant sa tournée médicale, elle commence sérieusement à douter des bonnes résolutions de son époux. D'autant qu'elle ne comprend pas qui est Rebecca et que les discussions avec celle-ci n'éclairent rien, bien au contraire. Certains ont parlé de "Thriller domestique" en évoquant le synopsis de la pièce de Martin Crimp.
Mais qu'on ne s'attende pas à une fin résolue quand s'achève la pièce de Martin Crip. L'accumulation de mystères, de tous petits mystères, pourra laisser le spectateur sur sa faim.
On suppose qu'il n'en sera rien, car il appréciera le jeu d'Isabelle Carré dont la présence réveille à n'importe quel moment une histoire somme toute assez banale. Il l'appréciera traversant la table en hauts talons. Il l'appréciera dans sa capacité à tirer le meilleur de l'écriture au cordeau de Martin Crimp, qui plus est adaptée en français par un écrivain de talent, Philippe Djian.
Dans des répliques sans aucun gras, la comédienne permet à ce texte parfois anodin d'atteindre, sans paraître le vouloir, la dimension littéraire qu'on espère de lui. Sylvain Maurice, dont on connaît le grand art pour adapter des œuvres aussi diverses que celle de Raymond Carver ou de Jean-Luc Lagarce a choisi de traiter sans tapage inutile celle de Martin Crimp, en jouant avec subtilité des lumières élégantes de Rodolphe Martin, modifiant comme on l'a dit, les couleurs des éléments comme la table.
C'était la bonne solution et l'on en aura la preuve dans la tirade finale d'Isabelle Carré, où elle raconte à son mari un faux-vrai rêve qui va être déterminant pour leur avenir commun.
Certains penseront que Martin Crimp termine sa pièce au moment où d'autres dramaturges la commenceraient. Comme si tout ce qu'on voit dans "La Campagne" n'était constitué que par des éléments préparatoires à un affrontement "off" entre Corinne et Richard.
L'écriture de Martin Crimp conserve ainsi toujours une part d'ombre sans que cela nuise une seconde à la limpidité de son texte. |