Spectale conçu et mis en scène par Simon Roth, avec Marushka Jury, Saïd Ghanem, Bénicia Makengélé, Lucie Mancipoz, Richard Legall, Geert Van Herwijnen, Rony Wolff et Chloé Zufferey.

En 1961, sort en France un long métrage co-réalisé par l'ethnologue Jean Rouch et le sociologue Edgar Morin, "Chronique d'un été".

Tout commence à Paris, Place de la République, où les cinéastes posent aux passants la question "Etes-vous heureux ?". S'en suit un film dit de "cinéma vérité" où, les Français, dans leur diversité démographique et géographique, vont répondre à cette question, pour brosser un portrait d'une société en mutation.

Soixante après, s'inspirant de l'enquête de Rouch et Morin, Simon Roth va reprendre à peu près les mêmes principes, dans l'espoir d'aboutir lui aussi à un état des lieux de la France du début des années 2020. Mais Simon Roth a modifié la question posée par ses illustres prédécesseurs Il lui a substitué celle-ci : Qu'est-ce qui vous manque pour être heureux ?".

Les gens interrogés ne sont plus enfermés dans une réponse abrupte, ils doivent dire plutôt s'ils sont en recherche du bonheur, s'ils l'ont trouvé ou comment ils aspirent à s'en approcher ou à l'atteindre.

Pour le dispositif, lui et les huit jeunes comédiens sortis du Conservatoire de Paris (CNSAD) sont allés à la rencontre des Français en auto-stop, partant à l'aventure dans toute la France, pouvant à l'occasion loger chez l'habitant, et enregistrant ainsi de longues interviews.

Le travail théâtral a constitué à restituer ces rencontres telles qu'elles avaient eu lieu, à les rejouer voire à les doubler ou les mimer alors qu'à l'arrière de la scène, sur un écran vidéo assez discret, apparaissent des images tirées des entretiens.

Simon Roth a choisi la matière, mais a tenu à ne jamais intervenir dans la matière choisie. Les scènes sont alors refaites par les comédiens au mot près. On peut donc parler de "théâtre-vérité", d'autant que les comédiens sont aussi parties prenantes dans cette première phase.

Ce que jouent les comédiens dans un plateau no man's land c'est le résultat de ce tour de France. On aura des saynètes bien différentes. Des discussions animées qu'on peut avoir à table aux confidences que l'on fait un soir, s'accumulent des récits de vie, parfois saisissants de vérité ou parfois drôles et imprévisibles.

Bien entendu, dans "Une jeunesse en été", ont été cherchées les solidarités entre personnages, tous aspirant à un monde plus solidaire, rétablissant de l'humain et du collectif.

Certains trouveront qu'il s'agit là d'un biais important. Que, forcément, ces jeunes gens pleins d'espérance théâtrale, ne sont pas vraiment représentatifs de leur génération, qu'ils oublient que pour changer les choses, on est face à une inertie qui a amplifié avec le "chacun pour soi", le règne de l'individualisme forcené. En clair, que l'utopie à laquelle ils se confrontent dans les squats ou les zads reste minoritaire.

Dans "Chronique d'un été", il y avait une scène très forte et très belle où Marceline Loridan, rescapée des camps, portait son impossibilité d'être heureuse après cette expérience. Si on ne trouve pas son équivalent dans "Une jeunesse en été", cela ne signifie pas que ceux qui y parlent seraient assez naïfs pour nier les périls politiques qui les guettent à nouveau.

"Une jeunesse en été" ne cherche pas une unanimité de façade. C'est une jeunesse de combat qui s'y revendique et prône, dès la première scène imaginée par Simon Roth, un monde où, pour être heureux, l'exigence de la fraternité est de mise, dans l'être comme dans le faire.