Spectacle de théâtre visuel écrit et interprété par Agnès Limbos et Pierre Sartenaer dans une mise en scène d'Agnès Limbos.
En ouverture du spectacle intitulé "Il n'y a rien dans ma vie qui montre que je suis moche intérieurement", un cadavre, celui d'une femme d'un certain âge avec une seule chaussure noire, suivie de la lecture off d'un rapport d'autopsie faisant état d'une crime à connotation sexuelle particulièrement barbare.
Tout laisse présumer d'une classique pièce d'enquête policière mais qui, en l'occurrence, revêt une singulière tournure car conçue par Pierre Sartenaer et Agnès Limbos, les mentors de la Compagnie Gare Centrale, compagnie belge fondée par cette dernière dédiée au théâtre visuel avec manipulation d'objets, au jeu clownesque et à la combinaison de dramaturgies contradictoires.
Ce qui se traduit en l'espèce par un opus ébouriffant tant par sa forme, avec une composition puzzléique de scènes qui brassent réalité et féérie, prosaïque et fabuleux et naviguent entre le grotesque, le comique et l'horrifique, que par son propos.
En effet, la morte qui va se relever à plusieurs reprises à la manière du rembobinage cinétique sert de "macguffin" à une partition se déployant, selon la qualification des auteurs, en "variations criminelles par objets interposés" sur le thème d'une tragique acuité contemporaine.
Celui des violences faites aux femmes, du viol conjugal avec la métaphore du prince charmant mué en mâle dominateur au féminicide commis par les pervers narcissiques en passant par le passage à l'acte du jaloux compulsif auquel s'ajoute des considérations sur l'identité féminine telle qu'impactée par le patriarcat et la sexuation sociétale.
A la baguette et au jeu, Agnès Limbos, clown sans nez rouge, endosse tous les personnages pour orchestrer cette hallucinante fresque de la violence ordinaire générant une criminalité tout aussi inacceptable et condamnable.
Et si le parti pris formel du mélange des registres peut déstabiliser, il s'avère efficient. |