Comédie dramatique de Rémi Delieutraz, mise en scène de Julien Breda, avec Jean-Nicolas Gaitte et Maxime Gleizes.
Rémi Delieutraz signe une excellente comédie dramatique intitulée "L'Araignée" ressortant au genre du théâtre de conversation ordonné autour d'un débat d'idées et le registre du huis-clos pour soutenir la confrontation dramatique.
Celle de la parole de Dieu et du salut des hommes vs le pouvoir politique et l'asservissement des peuples par le glaive et le goupillon dans le cadre d'une rencontre fictionnelle entre un théologien et un souverain. Rémi Delieutraz signe une excellente comédie dramatique intitulée "L'Araignée" ressortant au genre du théâtre de conversation ordonné autour d'un débat d'idées et le registre du huis-clos pour soutenir la confrontation dramatique.
Celle de la parole de Dieu et du salut des hommes vs le pouvoir politique et l'asservissement des peuples par le glaive et le goupillon dans le cadre d'une rencontre fictionnelle entre un théologien et un souverain.
Et dans un cadre historique car opposant Martin Luther, l'initiateur de l'insurrection dogmatique qui donnera naissance au protestantisme, et Charles Quint le monarque le plus puissant de la première moitié du 16ème siècle.
Rémi Delieutraz a donc conçu une situation fictionnelle consistant en un entretien confidentiel au cours duquel l'empereur Charles Quint tente de dissuader Martin Luther de persévérer dans son action non par la concertation mais en posant un ultimatum avec pour alternative "abdiquer ses convictions ou mourir" d'autant que pour lui, comme il l'affirme, "les saintes écritures ce n'est pas la question" mais d'éviter la dislocation du Saint Empire à la tête duquel il a été élu.
Car il est animé par des motivations certes politiques mais surtout personnelles et même sur ce terrain il trouve en Martin Luther un esprit délié et déterminé qui mène également un combat politique contre la Papauté, le fonctionnement dévoyé et perverti de l’Eglise, et notamment par la pratique de la vente des indulgences, et du papisme exerçant une suzeraineté sur les empires et royaumes catholiques.
Par ailleurs, l'opus à la composition dramatique bien tempérée en trois actes et à l'inattendu dénouement humaniste, qui éclaire son titre, aborde de nombreuses thématiques intemporelles en confrontations argumentées, ainsi foi/mysticisme, idéalisme/pragmatisme, altruisme/égocentrisme, ainsi que, et entre autres, le radicalisme religieux, la dichotomie entre les aspirations du peuple voire sa volonté clairement exprimée et les décisions du pouvoir notamment dans une démocratie affichée et l'idéologie sous-jacente à toute expression politique.
Pour la mise en scène, Julien Breda a eu l'excellente idée de s'affranchir de l'anecdotisme contextuel, pour se concentrer sur les résonances résolument contemporaines de la partition avec une scénographie minimaliste, quelques éléments de mobiliers actuels et tenues de ville, sur un plateau plongé dans le clair-obscur de la création lumière d'Amélie Mao et dirige avec justesse un duo de comédiens bien distribués en terme d'emploi qui fonctionne en belle synergie.
Dans ce passionnant face-à-face, Jean-Nicolas Gaitte, en costume gris de technocrate, campe parfaitement l'hubris, la morgue, l'obséquiosité et le cynisme du dirigeant policé avec sa pratique du dénigrement, de l'humiliation, de la culpabilisation et de la menace et l'art de la stratégie manipulatoire de la fausse concertation, toute ressemblance avec des personnalités existantes étant purement fortuite.
Maxime Gleizes s'avère tout aussi remarquable et convaincant dans l'incarnation du réformateur qui s'éreige en "défenseur de la parole de Dieu contre toutes les puissances terrestres" sans être un illuminé fanatique et dont l'apostolat, au demeurant clairvoyant, l'engagement et la détermination l'inscrivent en pertubateur dans le paysage géopolitique européen.
Un spectacle intelligent et accompli incitant à la réflexion. |