Spectacle conçu et interprété par Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin.

Tout ici est question d'espace. Quand il arrive tout habillé de noir, svelte et les cheveux poivre et sel, J (Jacques Gamblin), dans l'espace blanc (sol et mur) où se trouve sur une chaise R (Raphaëlle Delaunay), c'est un sexagénaire qui pourrait être un acteur français jouant toujours les pré-quinquagénaires qui vient prendre un cours de danse auprès de cette séduisante trentenaire, radieuse et déterminée, la peau mordorée et les cheveux tressés en chignon.

On apprendra incidemment qu'il a été employé dans l'aéronautique, qu'il est à la retraite et, par conséquent, prêt à danser le temps qu'il faudra pour progresser. Parallèlement, on saura qu'elle est "professeure de corps". On a envie de dire "sic" mais ça lui va bien et elle peut s'appliquer à sculpter le corps de son nouvel élève, car il est déjà très affuté pour son âge.

Et l'on sait, si l'on a vu les précédents spectacles de Jacques Gamblin qu'il ne se ménage jamais physiquement, qu'il sait courir et voler, qu'il sait unir les mots et les gestes, qu'il est à l'aise avec l'absurde comme avec le réel.

R. lui demande d'abord de "chercher sa place dans l'espace". Cela ne sera pas trop difficile, même si J. s'amuse du langage qu'elle use pour feindre de ne pas toujours comprendre à ses ordres.

Il ne faudra guère de temps pour que les mots s'éloignent et que les corps se rapprochent. Tout n'était que prétexte pour qu'ils s'apprivoisent en improvisant, pour qu'ils s'aperçoivent qu'ils sont faits l'un pour l'autre, tout au moins pour danser le hip hop ou le rock. Qu'ils deviennent aussi d'autres personnages, histoire d'asseoir encore davantage leur complicité.

Peu à peu, il n'y a plus rien à comprendre mais à s'imprégner de ce qu'ils dégagent : de l'aisance, de la beauté, de l'élégance. J charme-t-il R. ? Sans doute le voudrait-il bien... Danser n'est-ce pas aussi aimer le corps de son partenaire sans qu'il ne soit plus question que la séduction induise la possession...

R. sourit, conquise, heureuse d'avoir peut-être trouver le partenaire idéal pour danser pieds nus sur un tapis blanc. Elle est rayonnante, elle est la danse pure. Jamais plus son visage ne se départira de son sourire solaire.

Savent-ils que pour leurs spectateurs, tous conquis, ils sont déjà un couple inoubliable ? Qu'en quelques minutes, ils créent un moment si parfait qu'on irait bien jusqu'à les comparer à Ginger et Fred, Cyd Charisse et Gene Kelly...

C'est certainement exagéré, mais ce qu'ils proposent a un charme fou, un parfum qu'on croyait disparu à une époque aussi triviale que ce second millénaire. Pas question de chercher une explication : le charme ne s'explique pas. Pas davantage la poésie.

"HOP !" est un spectacle singulier. Ecrit et mis en scène par ses deux interprètes, il bénéficie d'un très beau travail au niveau des lumières, notamment quelques passages où le blanc s'estompe au profit d'une ambiance violette. On félicitera conjointement Eric Soyer, responsable des lumières et du dispositif scénique ainsi que Laurent Bénard à la régie générale.

Il faut saisir "HOP !" au bond car il sera impossible à copier ou recopier. Peut-être même qu'à long terme, s'ils le jouent trop souvent ses créateurs en perdront la recette miraculeuse. Pour l'heure, ce n'est heureusement pas le cas : Allez "Hop !"