Récit dramatique écrit et mis en scène par David Geselson, avec Dee Beasnael, Jared McNeill, Elios Noël, Kim Sullivan et Laure Mathis (en alternance avec Marina Keltchewsky).
Quand Nina Simone est morte en 2003, à l'âge de 70 ans, on s'est étonné de découvrir que la chanteuse née en Caroline du Nord, vivait à Carry-le-Rouet (Bouches du Rhône). On a été aussi surpris d'apprendre qu'Eunice Kathleen Waymon avait des origines cherokee.
Peu à peu, tous les éléments de sa vie tumultueuse, pour ne pas dire erratique, ont contribué à faire d'une des plus grandes icônes noires du jazz étasunien avec Billie Holiday, Ella Fitzgerald et Sarah Vaughn, un personnage romanesque dont on peut tirer de belles histoires et d'édifiantes leçons.
C'est au tour de David Geselson de s'en saisir. Mais, contrairement à ceux qui l'ont récemment précédé, il ne s'agira pas de la raconter façon "biopic" linéaire, pas plus que d'en confier le rôle à une chanteuse qui alignerait les nombreux "tubes" encore dans les têtes.
Dans "Le Silence et la Peur", on n'entendra complètement qu'une seule de ses mélodies et l'on n'aura de la vie de Nina que des bouts, souvent relatés par les autres personnages, notamment par Andrew, son mari et manager.
Car, au risque de s'y perdre parfois, David Geselson accorde à chacun des protagonistes une part de l'Histoire avec un grand "H" qui se mêle et s'entremêle avec le rôle qu'il tient et l'homme ou la femme qu'il est sous la carapace de l'acteur ou de l'actrice.
Ainsi Dee Beasnael, actrice ghanéenne qui joue à la perfection Nina Simone, l'interprète principalement en anglais. Mais elle peut aussi passer dans sa langue africaine et redevenir Dee Beasnael, voire s'exprimer dans un français limpide et s'adresser au public. On comprend, dès lors, que la voie narrative décousue choisie par l'auteur nécessite un petit effort pour la comprendre.
Ici, Nina Simone est une femme quasi comme les autres. Ce n'est pas sa singularité, son talent exceptionnel qui la plonge dans une grande différence de comportement mais les interactions avec son entourage. Il est alors aussi important de les répertorier et de les étudier.
En apprenant qui ils étaient et ce qu'ils faisaient, on remontera presque à la genèse des Etats-Unis et à toutes les fractures qui ont déterminé son présent, et par conséquent le sort de Nina comme celui de tous ses concitoyens blancs ou noirs.
Pour le bien-fondé de sa thèse, David Geselson minimise la bipolarité de la chanteuse quoi qu'il la montre très exubérante et qu'il ne cache pas ses relations houleuses avec son époux.
"Le Silence et la peur" a le mérite de ses ambitions. Qu'il emporte la conviction de tous paraît cependant un objectif impossible.
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