Comédie dramatique de Michael Frayn, mise en scène de Nicolas Vial, avec Julie Brochen, Stéphane Valensi et Nicolas Vial.
Dans le noir, en provenance de la salle, une vague lumière à la main, trois personnages entrent en scène. Ou plutôt y reviennent.
Car s'ils portent, comme on va rapidement le savoir, des noms de physiciens réels, ce sont leurs fantômes qui retournent sur des lieux pour eux mythiques, des lieux où ils se sont rencontrés de leur vivant.
Encore aujourd'hui, on ignore ce qu'ils se sont vraiment dits. N'était-ce pas un simple repas entre physiciens de niveau mondial, avec des nobélisés parmi eux ?
En voix-off, une voix donne un nom et fixe d'emblée l'enjeu de la rencontre qu'ils vont rejouer pour les spectateurs du jour : est présent Werner Heisenberg, en provenance de Berlin et le voilà qui arrive chez de vieilles connaissances danoises en la personne de son maître Niels Bohr et de son épouse Margrethe.
L'action qui va débuter se déroule à Copenhague, en 1941, désormais occupée par les troupes nazies. Pour la voix, Heisenberg laisse deux mystères, son principe d'incertitude (ou d'indétermination) et les raisons pour lesquelles il est revenu voir ses amis et ce qu'il leur a dit et ce qu'ils lui ont répondu...
Les choses sont ainsi installées et le dramaturge britannique Michael Frayn, coutumier des pièces à sujet, est aux commandes pour un brillant exercice de style à base de physique quantique, de seconde guerre mondiale et de compétition atomique.
Qu'on ait un diplôme d'ingénieur ou une incompétence totale pour résoudre une équation du premier degré, qu'on comprenne ce que les savants entendent par fission ou fusion nucléaire, par "Chat de Schrödinger" ou "paradoxe de Fermi", on aura aucun mal, tout au contraire, à suivre "Copenhague". La langue de Michael Frayn est clair et ne mérite qu'un petit minimum d'attention et, de surcroît, elle bénéficie ici de la belle traduction de Jean-Marie Besset.
Même avec une bonne bouteille sortie pour la circonstance, on ne peut pas dire que les retrouvailles entre les deux chercheurs commencent sous les meilleurs auspices. Heisenberg (Nicolas Vial) règne sur la physique allemande et ses recherches nucléaire, Niels Bohr (Stéphane Valensi) et son épouse Margrethe (Julie Brochen) appartiennent à un peuple vaincu par les troupes hitlériennes et par ailleurs, peuvent à tout moment subir les lois raciales.
Ce qu'est supposé proposer Heisenberg, de savant à savant, en supposant que Bohr reste en rapport avec ceux qui sont partis de l'autre côté de l'Atlantique, comme Oppenheimer ou Einstein, tient de l'utopie. Elle fera réfléchir sur un temps où des savants en principe tous humanistes ont contribué à l'émergence du pire.
La stimulation de leur compétition, en même temps que leurs associations obligés auront donné sans doute le plus grand coup de fouet qu'est jamais reçue la science mondiale. Dommage que cela ait conduit à la destruction de villes japonaises et, depuis, à une menace qui n'a jamais cessé de croître au-dessus des habitants de la planète.
"Copenhague" est une pièce qui pose de vraies questions et qui se regarde sans ennui ni déplaisir dans la mise en scène de Nicolas Vial. |