Interview
(Foreztival, Trelins) vendredi 4 août 2023
C’est à l’espace presse du Foreztival que j’ai pu m’entretenir avec Jamie Ryan, bassiste de Mass Hysteria. Cela a été un réel plaisir de m’entretenir avec un type adorable, souriant, enjoué et qui, je l’ai vite senti, avait envie de discuter.
Je te conseille d’aller jeter un oeil sur sa chaîne YouTube, on y découvre les coulisses des concerts (par exemple, celui du Foreztival) mais pas seulement.
Je le remercie pour ce très bon moment et j’en profite pour remercier le staff de Mass Hysteria, Marion et Mathilde du Foreztival d’avoir rendu cela possible.
Mass Hysteria est connu d’un public averti. Que dirais-tu à des gens qui ne connaissent pas pour leur donner envie de vous découvrir ?
Jamie Ryan : C’est un groupe de metal français, qui chante en français depuis maintenant 30 ans ! C’est une longue histoire avec le public en France. C’est beaucoup de travail, de kilomètres, de concerts. On est toujours là, enfin les originaux du groupe, moi je n’en suis pas un, je suis arrivé en cours de route (NDLR : depuis 2017). Mais on voit toujours des têtes qui étaient au début, on voit des nouvelles têtes, des jeunes, des gamins. Il y a une histoire, un catalogue et des périodes dans la musique. Il y en a un peu pour tous les goûts. Cela va du metal plus poussé à des titres plus grand public.
C’est un groupe où tout le monde peut trouver quelque chose qui peut l’intéresser, de la musique aux textes et tout l’univers que l’on dégage. Et on axe surtout et énormément sur le live. On veut que tous ceux qui viennent à un concert de Mass Hysteria, qu’ils soient fans ou pas, qu’ils connaissent ou pas, repartent avec un sourire. C’est surtout cela que l’on cherche ! On veut que les gens s’amusent, sortent un peu de leur bulle, se retrouvent quelque part et soient heureux. On est très positif dans notre approche.
Nous allons faire connaissance, plus particulièrement avec toi : si tu pouvais jouer sur scène avec l’artiste de ton choix, qui serait-il ?
Jamie Ryan : Freddy Mercury (NDLR : aucune hésitation de sa part). Queen était mon obsession quand j’étais gamin. Je me rappelle très bien faire chier mes parents pour qu’ils me mettent le Greatest Hits Volume 2 sur la chaine Hi-Fi. Mon père a fini par me mettre le casque tellement je voulais l’écouter toute la journée (rires). Il y a d’autres artistes que je ne verrais jamais mais c’est mon premier amour de musique. Déjà ne serait-ce que le voir en concert aurait été quelque chose de magique. Ça n'arrivera jamais, cela fait 33 ans que j’écoute Queen, depuis que j’ai 2 ans ! Voilà, ça se résume à son nom : Freddy Mercury.
Que dirais-tu aujourd’hui au gamin que tu étais à 15 ans ?
Jamie Ryan : Ne t'arrête pas, ne lâche rien ! Je me souviens très bien de ma première année à apprendre la guitare, ça me saoulait. J’avais envie de faire de la guitare, mais 30 minutes à faire des exo et me faire mal aux doigts, c’est chiant.
Mais, résultat : j’ai commencé à faire des concerts avant mes 15 ans et je suis rentré dans Mass Hysteria juste avant mes 30 ans. Pendant presque 15 ans, on a fait des concerts dans des petits boui-boui, à faire des tournées mais ça se pète la gueule pour x raisons.
Et vers 30 ans, je reçois cet appel de Yann, le guitariste et qui me demande si cela me dit de faire la basse dans Mass Hysteria, sachant que je suis guitariste à la base. Je lui ai dis : mais Yann tu me demandes juste si je veux vivre simplement de la musique ? Bien sûr ! Je serais con de dire non !
A mon moi de 15 ans, c’est accroche-toi et n’arrête pas. Il y a eu énormément de chances, de circonstances qui ont fait que j’ai réussi à avoir ce que je voulais. Si j’avais arrêté, bien que je connaisse Yann depuis un moment il ne m’aurait jamais appelé.
C’est votre premier passage au Foreztival et vous êtes ce soir le seul groupe estampillé rock, comment appréhendez-vous ce type de concert ?
Jamie Ryan : Je ne peux pas parler pour les autres, moi je le prends comme un challenge. Ça me motive parce que cela veut dire qu’il y a potentiellement plein de gens que l’on peut potentiellement "rallier" à notre cause. C’est trop bien. Quand on joue en salle, on sait que les gens sont là pour nous. Là, on est sur un festival grand public, avec une variété de styles allant de la variété française à du reggae ou des choses plus calmes et il y a nous avec des guitares sursaturées et la batterie qui va très vite. C’est surprenant mais c’est motivant. Cela va peut-être faire venir des gens vers le metal, tout en restant ouvert d’esprit sur d’autres styles et c’est cela qu’il faut chercher. Pourquoi se limiter à un style alors qu’il y en a tellement qui sont géniaux ? Et c’est ce genre de festival qui permet cela.
Et toi, ça te permet de découvrir d’autres artistes ?
Jamie Ryan : Ah oui, c’est arrivé plein de fois sur des festivals. J’entends un truc au loin qui m’intrigue et que je vais voir. Sachant que si je ne vais qu’à des concerts de metal et bien je ne vais entendre que des trucs que je connais ou qui sont dans le registre que je connais.
La météo jusqu’à tout à l’heure était incertaine. Quel est ton pire souvenir de concert ?
Jamie Ryan : Je n’ai jamais eu un mauvais concert avec Mass pour l’instant. Parfois les conditions ne sont pas top, comme dernièrement à Cherbourg, il a plu sans arrêt. De la bruine en permanence. D’un côté, les Normands ont l’habitude, ce n'est pas une fatalité. Les gens étaient géniaux, le concert aussi. Je n’ai jamais eu de gros soucis.
Il y a beaucoup de festivals rock ou assimilés et pour autant, il y a peu de rock sur les grands médias, que ce soit radio ou télé. Comment l’expliques-tu ?
Jamie Ryan : C’est la période. Dans les années 80 et 90, le rock était omniprésent. Skyrock s’appelle comme ça, ce n’est pas pour rien et ils ont changé avec le temps. J’imagine que c’est une question de temps. J’imagine que la musique urbaine actuelle aura à un moment ou un autre une image qui va lui coller de "musique de papa maman" et les gens voudront écouter autre chose. Cela arrivera forcément à un moment, ça sera remplacé par autre chose, il y aura des guitares ou pas, je n’en sais rien et de toute façon, on ne le contrôle pas et peut-être que ça sera le rock ou l’électro.
On réussit à exister, on est là et on n’a pas besoin de ces médias à un certain niveau. On ne les recherche pas complètement non plus. S’ils s’intéressent à nous c’est bien, s’ils ne s’intéressent pas, on continuera notre chemin. Une certaine partie aime bien ce côté contre-culture, on est notre "petit" monde, le Hellfest est quand même un des plus gros festivals de France mais on aime bien cette image de "on n’est pas comme les autres" alors que bon, on est quand même 160.000 sur un week-end (rires) clairement on est un peu comme les autres. Internet a aussi beaucoup changé certaines choses.
Justement, quel regard tu poses sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming ?
Jamie Ryan : On s’en sert un peu trop pour voir ce qu'un groupe vaut : il n’a pas fait beaucoup de streams, de vues et on va jauger la qualité sur ces critères. Ça peut être un manque d’exposition, ils viennent d’un pays où ils sont connus mais pas en dehors de leur frontière.
En même temps, je m’en suis énormément servi, parce que ma jeunesse c’est Myspace et le début de Facebook et cela m’a permis de découvrir une farandole de groupes que je n’aurais pas pu connaître, parce que "petits" et dans leur coin, aux Etats-unis, Allemagne ou Suède. Cela m’a permis de découvrir plein de groupes. C’est un peu à double tranchant : indispensable mais on lui donne peut-être trop de valeur !
On avait les cassettes nous (dans l’ancien temps) !
Jamie Ryan : Je faisais pareil, on gravait les CD entre potes. Tous les étés, je rentrais en Irlande, parce que je suis Irlandais et j’allais dans des magasins du style Virgin Megastore et il y avait toujours des offres 5 CD pour pas cher. J’en prenais une douzaine, c’était mon cadeau de l’été on va dire et dès que je rentrais, t’inquiète que tous mes potes raflaient tout et s’ils n’aimaient pas ce n’était pas grave, c’est juste un CD gravé. Ce n’est pas le même format mais on a fait le même genre de choses (rires).
Vous écrivez principalement pour la scène (voir l’interview de Mouss, le chanteur, par mon éminent confrère David) mais est-ce que vous écrivez en pensant à ce que le public peut attendre de vous ?
Jamie Ryan : Oui et non. Cela va nous plaire, à nous en premier, parce qu’un artiste compose sa musique pour lui, parce que c’est quelque chose qu’il veut entendre à un certain niveau. On compose pour sa propre oreille. Et on sait que, ben, ils ont assez de recul avec les 30 ans de carrière et moi les 7 ans avec eux, pour savoir ce qui motive les gens, les pousse, un peu plus sur un circle pit ou un wall of death.
Et surtout Yann, c’est la direction artistique et même sur un morceau que j’ai composé, dans sa tête il est déjà à savoir ce que vont donner les nappes de synthés et les samples qui passent derrière et l’image pour lui est déjà bien plus grande et réelle que pour nous. On attend toujours un peu ce qu’il va nous présenter. Dès lors, il sait aussi ce que ça va donner en termes de lumière. Après, parfois, on se trompe complètement et c’est un autre morceau où on ne s’est rien dit qui va marcher.
On se plante aussi. Quand on a un ressenti quand on compose avec juste le basique, on imagine ce que ça va donner avec une production entière et une grosse façade, un son énorme, la lumière, le décor, parce que maintenant on a une scénographie. On espère en mettre plein la vue à tout le monde !
Y a-t-il des sujets que vous ne voulez pas ou ne pouvez pas traiter ?
Jamie Ryan : Mouss a des sujets qu’il ne veut pas traiter, parce qu’il n’a rien à en dire, soit ça ne l’intéresse pas ou il se demande si ça intéresse les gens. Et surtout, on ne cherche pas le négatif. On ne veut pas que cela soit négatif pour être négatif, mais plutôt pour dire que c’est négatif mais que quelque chose de positif va arriver. "Mass veritas", le premier single sorti pour Tenace Partie 1 finit par "tout va si mal que le meilleur est pour bientôt". Il y a toujours un espoir, on ne veut pas être noir pour le principe.
Notre philosophie c’est PMA : Positive Metal Attitude. On a une attitude positive, on croit à la lumière au fond du tunnel ! C’est un désir de Mouss en premier parce que c’est lui qui va l’écrire, mais nous aussi puisque ce n’est pas ce que l’on est et ce que l’on représente. Je ne crois pas être une personne sombre : j’ai un short orange et des cheveux roses (rires). J’adore le Black Metal mais ce n’est pas ce qui m'intéresse.
Il prend un peu plus en considération ce que je peux penser parce que je chante avec lui, je fais énormément de renfort et je chante aussi sur l’album. Il me demande donc plus, on a un échange et je travaille, un petit peu, sur les textes avec lui.
Il reste le parolier et je ne le suis pas pour un sou. Je peux jouer de la guitare et de la basse, mais écrire les paroles c’est compliqué (rires). Je ne l’ai pas beaucoup fait et c’était compliqué.
Encore plus dans ta langue natale (NDLR en français pour Mass Hysteria).
Jamie Ryan : Les gens s'imaginent qu’en anglais les choses sont bien plus poétiques que cela ne l’est et quand je leur décris la réalité ils me disent : "ah ! c’est ça ?" (rires) Ce n’est pas tous des Shakespeare, il ne faut pas croire !
J’avais lu, toujours dans cette interview, que Mouss trouvait la femme baillonée (en référence à la pochette de Maniac, qui est sorti en 2018). Penses-tu que la situation des femmes dans le milieu artistique, mais pas que, s’est améliorée ?
Jamie Ryan : Je pense qu’il y a une amélioration, mais qui est très lente. C’est un escargot. Sur le détail, on voit des personnes comme Lola Frichet, la bassiste de Pogo Car Crash Control, qui essaie de pousser le truc avec son festival More Women On Stage, elle milite, elle est entourée et aidée. Plus de femmes sur scène, mais pas seulement en tant qu'artistes, mais aussi qui travaillent dans la technique. Il y a trois femmes qui nous ont rejoints dans l’équipe technique et d’un côté, ce n’est pas plus mal et ça change d’avoir que des couilles qui disent que de la merde toute la journée (rires). Il y a d’autres sujets de discussion et on peut rigoler aussi.
C’est un peu plus lent que certains aimeraient. Bousculer et changer les codes, c’est toujours long, c’est malheureux, mais cela tend vers la positivité, cela se fait, il faut laisser plus de temps. J’espère que cela va se faire, on a besoin de tout le monde, on ne va pas rester chacun de son côté. C’est bien mieux quand tout le monde est là et fait partie de la discussion et s'amuse aussi.
Qu’as-tu écouté, vu ou lu et que tu aimerais faire découvrir ?
Jamie Ryan : Attends, je vais regarder (NDLR : il sort son téléphone) parce que je passe mon temps à chercher de la musique… Il y a un groupe américain qui s’appelle Movements, qui fait un peu émo rock, ils ont fait trois albums. C’est très lent et la guitare n’est jamais saturée et ça change de registre pour moi.
Qu’est-ce qu’il y a encore ? Ah oui No Pressure (NDLR : ils viennent de sortir un single au passage) qui est un groupe de pop punk qui me rappelle ma jeunesse ! Un groupe un peu nostalgie, ce ne sont que des mecs qui ont mon âge, c’est un auto-trip nostalgie. Ça me rappelle des étés à faire du skate avec des potes et à jouer à Tony Hawk sur la Playstation et tous les groupes de cette époque. Je suis beaucoup dans le pop punk en ce moment parce que je viens d’acheter la guitare de Tom Delonge de Blink 182 que Fender vient de ressortir et donc les souvenirs reviennent (rires).
Et un groupe français, Celeste, qui fait du metal noir et pas du black metal, comme ils le disent. Ils chantent en français aussi et c’est très cool dans un monde où il y a un peu trop de groupes qui chantent en anglais, alors que c’est ma langue maternelle, je ne m’en plains pas et j’aime beaucoup les groupes qui chantent dans leur langue natale. Il y a toujours un petit détail et on se dit que l’émotion y est peut-être plus forte. Ils commencent à avoir une petite renommée internationale et c’est très cool.
Ils sont sympas en plus, on a commencé à échanger parce que je parle beaucoup d’eux et ils m’ont remercié et c’est très cool de leur part et je les défendrai jusqu'au bout parce que c’est vraiment génial (NDLR : je confirme, c‘est génial). Ils viennent de Lyon.
Enfin, imaginons que ton meilleur ami parte, quel album (ou oeuvre) lui offrirais-tu pour qu’il pense à toi ?
Jamie Ryan : Ça dépend de quel ami on parle. Par exemple avec Thierry, ça serait le film Hot Rod, qui date de 2007, et qui a fait un bide à sa sortie, alors qu’il est mythique aujourd’hui. Il avait quelques années d’avance alors.
Pierre ça serait, mais il l’a déjà, Vulgar Display of Power de Pantera. Depuis qu’on a 14 ans, c’est le groupe qu’on écoute tout le temps, tous les jours, dès qu’on est ensemble. Loïc ça serait le live d’Alice in Chains qu’on écoute toujours dans sa voiture. Il y en a plein, il y en a tellement… (rires) J’ai des potes de longue date (depuis la maternelle pour certains).
Nous revoilà avec des livres, du théâtre de la musique et bien sûr notre chaine Twitch sur laquelle vous retrouverez la MAG en direct dès ce vendredi ! Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.