Écrire l’histoire de la plèbe romaine, c’est brosser le portrait d’une majorité souvent laissée silencieuse. Les hommes et les femmes mis en lumière dans ce livre furent pourtant bien moins des marginaux au sens strict qu’ils ne furent marginalisés, ou plutôt minorisés, par les auteurs antiques, puis par la science historique. Entre le Ier siècle avant J.-C. et le IIe siècle après J.-C., de génération en génération, ils furent plusieurs millions, appartenant aux catégories sociales inférieures et intermédiaires de la communauté civique, à former la plèbe, par opposition à l’aristocratie.
Encore aujourd’hui, le souvenir de la Rome antique se résume souvent à quelques figures qui l’ont dirigée. Avec cet ouvrage, l’auteur veut nous montrer que l’histoire de Rome peut aussi s’écrire en donnant les premiers rôles, non pas à la classe dirigeante mais aux simples citoyens.
Privilégiant le point de vue des habitants "ordinaires" sur celui de l’élite de la cité et se nourrissant autant que possible de destins individuels, Nicolas Tran dépeint donc à la fois les rapports sociaux et les espaces de vie collective dans la capitale romaine, raconte la vie quotidienne, familiale, amicale et professionnelle de ses habitants, éclaire leurs revendications. Se refusant à réduire ces hommes et ces femmes à une seule facette de leur identité, qui aurait déterminé leur existence tout entière, c’est finalement une véritable introduction à l’histoire de la Rome antique et des Romains que livre l’auteur.
L’ouvrage est donc l’occasion d’en apprendre beaucoup plus sur cette plèbe, sur son espace urbain dans Rome et sur ses conditions de vie. Il nous parle aussi de la position de la plèbe face au pouvoir romain, revenant sur certaines inexactitudes concernant une plèbe qui aurait été dépolitisée pendant la période impériale alors que celle-ci aurait joué un rôle dans les troubles de la fin de la république.
L’ouvrage nous montre aussi parfait en quoi la plèbe représentait un monde social particulièrement contrasté autour d’une très grande diversité de conditions. On y voit que le travail dans la ville était le creuset de cette hiérarchie sociale complexe. Cette société romaine finement hiérarchisée mais elle était aussi marquée par une forte mobilité sociale qui pouvait aussi s’accompagner d’une mobilité géographique.
La dernière partie de l’ouvrage porte sur les sociabilités plébéiennes, montrant comment ils furent intégrés à de nombreux groupes communautaires avec notamment de nombreux lieux de sociabilité populaires. Elle nous montre comment la plèbe participait aux fêtes du culte public, certains groupes de la plèbe tenant les premiers rôles lors de certaines fêtes.
On a donc au final, avec cet ouvrage très intéressant, une volonté de nous parler de la vie sociale de Romains que l’on était tenté de qualifier d’ordinaires. C’est donc une histoire "par le bas" que nous propose Nicolas Tran, une histoire des catégories sociales inférieures, une histoire passionnante et originale dans sa démarche qui nous parle de Rome différemment. |