Comédie de mise en scène de Coralie Baroux, avec Franck Le Hen, Matthieu Nina et Mélanie Kah (ou Coline D'Incà).
Il faut tout de suite empêcher les malentendus : "La P'tite Débrouille", malgré un joli titre qui prête à confusion avec une certaine "Vadrouille" dite "Grande", n'est pas un spectacle "drôle" sur une période qui ne l'était pas, ni une parodie des films français traitant de l'Occupation nazie, à l'instar de "Papy fait de la résistance".
Il s'agit d'un sujet original où trois personnes cohabitent dans un hôpital psychiatrique abandonné à l'heure pétainiste où les Français subissent un sort cruel. Ni comique ni tragique "La petite débrouille" est une tranche de la vie de trois Français ordinaires... Mais sont-ils si moyens et si ordinaires qu'on le prétend ?
Attention : on rit quand même beaucoup et l'on est souvent piégé par la malice de l'auteur, Frank Le Hen, par ailleurs interprète de Jean le "zazou", qui sait faire rire de choses qui, apparemment ne font pas rire. Il en est ainsi du personnage de Paul (Matthieu NIna), handicapé physique... obligé de se cacher chez les handicapés mentaux.
Ou de celui de Michèle (Mélanie Kah), dotée d'un sérieux accent picard et dont le maréchalisme primaire cache une femme sous influence et pas beaucoup ni bien libérée. Quant à Jean, il interprète un chanteur qui se veut au-dessus de la mêlée, ce qui bien loin d'être le cas...
Si l'on n'est pas dans un vaudeville, on est clairement en présence d'un texte bien écrit, qui n'hésite pas à évoquer des choses pas toujours sues (le sort des handicapés sous Hitler, les zazous et leurs fausses étoiles jaunes ) et où l'émotion et la tendresse ont plus droit de cité que les propos ou les situations graveleuses.
On s'attache à la fois à l'histoire et au trio chargé de la vivre au gré des péripéties inventées par Frank Le Hen. Le mérite en revient aussi aux comédiens, Mélanie Kah et Matthieu Nina en tête. La première sait faire évoluer son rôle et la petite paysanne digne de Bécassine du début devient une femme consciente du malheur du monde et prête à s'engager pour le combattre ; le second, plein de finesse, utilise au mieux un corps difficile. Il y a quelque chose de lumineux en lui et il le communique à tous les autres, partenaires et spectateurs.
Création modeste mais qui n'emprunte pas les chemins habituels, "La P'tite débrouille" surprend agréablement un public qui ne s'attendait pas toujours à ce qu'il voit. Bénéficiant d'un excellent bouche à oreille, on prédit qu'il va toucher un très large public, au-delà même de celui qui vient d'ordinaire. Une réussite qui fait plaisir à voir. |