Ce mois de juin a vu la sortie d’un très bel album de Leila Huissoud : La Maladresse, le troisième après L’ombre en 2017 et Auguste en 2019. Un opus tout sauf maladroit, entre subtilité des arrangements et force des textes.
On est dans cette tradition de la chanson française à textes qui fonctionne bien en guitare - voix. Mais ici, d’autres instruments sont conviés (violoncelle, contrebasse, piano, cuivres, bandonéon, percussions…).
Et s’ajoutent des détails qui font la qualité de ces arrangements sobres : des sons électro, des textures. C’est un beau travail de réalisation avec Antoine Graugnard (qui a partagé écriture et composition avec elle). On pense à Leprest ou Ben Herbert Larue ; parfois on entend du Fauve, du Olivia Ruiz, La Gammine ou Arman Mélies (sur le refrain de "Lettre aux paumés") ; on pense aussi à Lynda Lemay pour la gouaille et le sourire dans certains chants.
L’entrée en matière est réussie avec le titre "Avant Nantes" qui nous emporte aussitôt dans cet univers particulier et original. Un souffle, la voix et une histoire. Nous voilà embarqué.e.s. Il reste notre titre préféré, parce que Leila Hassoud y dévoile une autre de ses qualités d’interprète : une belle voix chantée et un art de raconter, un slam à fleur de peau. Ce slâme qui vive on le retrouve au début de "La Maladresse", comme un état des lieux et une nouvelle porte qui s’ouvre.
Leila Huissoud nous ouvre son journal intime ; on y trouve alors tout ce qui nous occupe, nous touche, entre introspection, incompréhension, tension et explosion : l’amour, la rencontre, le quotidien ("L’ascenseur" et ses trésors de mots, les échanges qu’on y trouve), la / sa vie de femme, (le très réussi "Déguisée en fille" - "regardons-nous, écoutons-nous, s’il vous plaît, aidons-nous, c’est possible, certains le font déjà. Merci à eux") ; sa vie d’artiste ("Mon spectacle s’appelle..."), la filiation ("Lettre au père"), l’écriture ("Les chansons tristes" pas triste du tout : "sourire avant l’arrivée", "prendre le temps et lever le pied" / "Le nez en l’air et l’air de rien, se donner une chance d’être bien", elle s’amuse avec les clichés qui ont la peau dure et s’offre un duo avec Theo Bonneville ("La Ligue des justiciers").
Elle aussi aime les gens qui doutent, les bancals, les étourdis, ceux et celles qui ne marchent pas pareil, les invisibles. Leila Huissoud est une artiste engagée à la vue dégagée – sans poings levés mais avec des mains tendues. Rien de maladroit donc dans cet album remarquable et saisissant – mais du fragile, du sensible et une belle maîtrise des mots.