Nous sommes de retour près de la plage de Montmartin-sur-Mer en fin de journée pour le deuxième jour du festival. Dès le début de la soirée, le nombre de festivaliers est déjà bien plus important que la veille. Il faut dire qu’il y a eu des animations sur le site toute la journée et certains festivaliers ont profité de la plage avant de venir.

Chauffer dans la Noirceur est une association culturelle qui organise des concerts, mais a aussi une vocation éco-citoyenne. Ceci se remarque sur le site où les offres de restauration sont en circuit court. Un fermier local propose de la teurgoule, un dessert normand à base de riz et de cannelle ou des yaourts de la ferme, les bières proviennent de microbrasseries de la région, le cidre et le poiré proviennent d’une exploitation située à quelques kilomètres seulement de Montmartin-sur-Mer. Autre signe de cet engagement, les gobelets et autres contenant pour la nourriture (frites, coquillages…) sont consignés. Le site, situé dans des dunes sur un site protégé, reste d’une propreté irréprochable tout le long du festival. Même les toilettes sèches sont irréprochables.

L’ambiance et le temps sont toujours au beau fixe : les gens sont conviviaux et le soleil décline doucement pour nous offrir un très beau coucher au fur et à mesure que la soirée avance.

Les groupes à l’affiche en ce deuxième jour nous sont totalement inconnus, on part donc en totale exploration musicale, et on ne va pas être déçu !

On commence par Ttrruuces, annoncé comme un groupe alternative psyché pop franco-britannique. On écoute le début du set à distance, assis à une table en mangeant nos bulots, pour ensuite se rapprocher. Le duo, composé de Jules Apollinaire et Natalie Findlay, est complété sur scène par trois musiciens, une batteuse, un bassiste et une violoniste. L’apport du violon rapproche leur style de la folk / country sur les morceaux plus doux tandis que la guitare électrique feule sur les morceaux plus enlevés. Le groupe s’est formé en 2019, a déménagé d’Albion vers la France. Le style de ce duo détonant semble en évolution constante. À suivre donc.

On continue avec Liraz qui a attiré notre attention sur le programme. Liraz Charchi est une chanteuse irano-israëlienne, mais aussi une actrice puisqu’elle tenait l’un des rôles principaux dans la série d’espionnage de 2021, Téhéran. Faisant le pont entre ses deux cultures, elle chante en Farsi un rock pop entraînant. Par rapport à la pop orientale en provenance du Liban, d’Israël ou d’Egypte, le style de Liraz se distingue par des claviers et des guitares qui donnent des sonorités plus rock que la pop sucrée loukoum qu’on entend souvent lorsqu’on voyage dans ces contrées.

Enerjy, son quatrième album, est sorti en mai dernier. Chanté en Farsi, enregistré à Téhéran avec des musiciens iraniens, ses chansons sont à destination des femmes qui se battent pour leur liberté sous le régime des mollahs. Et lorsqu’elle appelle le public à applaudir le courage de ces femmes, les festivaliers répondent présent. Chantant et dansant devant ses musiciens tout de blanc vêtus (dont le sosie de Weird Al Yankovich à la guitare), Liraz a su conquérir le public.

Sur la scène Mer, c’est ensuite la britannique Lusaint qui enchaîne avec des compositions et des reprises blue-eyed soul. La voix et surtout le style peuvent rappeler Amy Whinehouse ou Duffy. Le set est agréable mais assez convenu.

Dans un esprit de découverte, nous lui préférons, sur la scène plus petite du 3eme œil, Özgür. Véritable curiosité, nous sommes conquis par le quintet de musiciens turcs. Le programme prévoyait de la "folk anatolienne". Après un début très doux, où l’interprète principal chantait d’une voix de miel des ballades en s’accompagnant au saz, un instrument à trois cordes avec une caisse de résonnance en calebasse, l’orgue psyché s’est mis en route, bientôt rejoint par la basse. On a alors très vite basculé vers du prog-rock seventies aux couleurs moyen-orientales. En fin de concert, la basse était toujours plus lourde et l’esprit des Troggs planait sur le petit chapiteau.

On retourne sous le chapiteau principal pour s’installer devant Faada Freddy. Tout comme le public qui a rempli le grand espace couvert, nous sommes émerveillés par ce que nous voyons et entendons : il n’y a aucun instrument sus scène, toute la musique est faite en beat box, body percussion et chant a capella, impressionnant ! Ça fonctionne très bien, ça ressemble à du gospel 2.0, qui irait picorer dans la world, la soul et un peu de reggae. C’est hyper entraînant et la voix chaude de Fadda Freddy se marie à merveille avec celle des choristes. Il est déchainé sur scène. Sa voix est puissante, il danse et harangue la foule. Outre la performance, il faut aussi souligner le visuel très accrocheur et le son absolument impeccable.

On enchaîne directement avec Vlure, grosse révélation de la soirée : le groupe de post-punk originaire de Glasgow met le feu à la scène avec son mélange de guitare saturée, nappes de synthé à la Depeche Mode et beats électroniques empruntés à la scène rave des années 90 : sacré cocktail auquel s’ajoute l’accent écossais à couper au couteau du chanteur, néanmoins fort sympathique et qui s’adresse à la foule en français. Un de leur chanson s’intitule "The Storm", et la recette de ce groupe est en effet détonante !

On termine cette riche soirée en passant notre tour, après quelques morceaux, devant Slift, groupe de rock "stoner" toulousain. De stoner, il manque quand même des mélodies. Ils nous ont laissé de marbre devant leur surenchère de bruit, de grosses guitares et de projections psyché.

On en restera donc là pour ce soir et pour le festival : les concerts commençant relativement tard le dimanche, nous ne pouvons rester à notre grand regret car certains groupes avaient attiré notre attention. Note pour la prochaine fois : penser à poser son lundi !

En conclusion, on a aimé la qualité de la programmation dans des styles très différents, l'engagement du festival pour une consommation locale et raisonnée, les qualités techniques (son, lumières...) autant pour les artistes que pour le public, et l'ambiance générale très éloignée des grosses machines qui se ressemblent tous que sont devenus la plupart des festivals. En gardant une taille réduite, Chauffer dans la noirceur est obligé de miser sur des artistes peu connus. Les artistes profitent de conditions très supérieures à ce qu'ils rencontrent souvent en cours de tournée et jouent devant un public plus nombreux. Ils se donnent à fond, et devant l'énergie des groupes et la qualité de leurs prestations (grâce aux choix du programmateur) le public répond présent.