Retour sur cette 17ème édition du festival des musiques extrêmes qui s’est tenue du 27 au 30 juin 2024 à Clisson (44).
Sa programmation avait donné lieu à de vives discussions dès lors que certains annonçaient une édition de transition avec un élargissement à des groupes plus rock.
C’est essentiellement la présence de Shaka Ponk qui a cristallisé les débats. Ces derniers apparaissaient toutefois bien futiles au regard du reste de la programmation, notamment sur la Valley et la Warzone avec environ 200 groupes programmés sur les différentes scènes. Il existe probablement deux sous festivals, l’un se déroulant devant les deux mainstages avec un public moins pointu et un autre pour les aficionados sur les quatre autres scènes.
En tout cas, une nouvelle fois cette année, on a pu assister à l’émergence de nouveaux groupes dans une programmation très riche. Voici le compte-rendu de ces quatre jours de plaisir sonore.
Jour 1
Démarrage du festival par le groupe culte de death metal américain Immolation, on bat la mesure et on fonce ensuite vers notre véritable lancement de festival par les Anglais de Green Lung. Ceux-ci pratiquent un heavy / doom rock qui fait penser à du Ghost avant que avant que ces derniers donnent à leur musique une tournure commerciale. En tout cas, la similitude entre les voix est vraiment frappante et cela a donné un set d’une efficacité redoutable à la fois hypnotique et très puissant qui nous a immédiatement enthousiasmé. Dès le deuxième concert du festival, nous savions déjà que Green Lung serait dans le top cinq.
Toujours sur la Valley, Graveyard, groupe suédois au son légèrement psyché avec un set manquant parfois de souffle mais très maîtrisé. Deux secondes d’écoute de Babymetal auront suffi pour nous convaincre de l’inanité de ce groupe. Le succès autour de ce groupe japonais de J-pop / heavy restera un mystère tant sur leur musique apparaît artificielle. Fin de ce premier jour pour conserver de l’énergie pour la suite.
Jour 2
Attaque matinale à 11h avec le groupe de black metal marine Houle signé chez Les Acteurs de l’Ombre, et qui a fait l’objet d’une chronique dithyrambique pour leur premier album il y a quelques semaines. Il faut reconnaître que notre attente autour de ce groupe était immense et qu’en aucune façon on a été déçu, il s’agit d’une prestation majeure de ce festival.
Le groupe a fait preuve d’une maîtrise parfaite tant au niveau de la scénographie maritime que de la musique. Il est évident que Houle a marqué un grand coup avec cette prestation et qu’il est amené dans les prochaines années à jouer plus tardivement et être plus haut sur l’affiche.
Ensuite, enchaînement toujours avec du black metal et Imperial Crystalline Entombment qui n’a pas fait preuve d’une très grande originalité hormis un accoutrement étrange faisant penser à des membres du KKK et un batteur frappant comme une brute sur ses fûts.
Un même désintérêt pour le stoner des bostoniens de Gozou et le deathcore de Shores Of Null. Il en a été tout autrement concernant les Italiens de Black Rainbows, groupe de stoner ultra carré et inventif qui a su nous transporter tout au long de leur set.
Sinon, cette journée au sein de la Warzone était assez pauvre en matière de découverte. On a toutefois apprécié le groupe de hardcore australien très old school et efficace de Speed.
On n’a pas eu l’occasion de les voir mais on a entendu le plus grand bien de Kanonenfieber, groupe de death cagoulé allemand à l’univers orienté guerre 14/18. Satyricon a ensuite enchaîné les tubes avec une force qui a conquis le public qui en redemandait.
Sur le plan déception, il ya eu les Grecs de 1000mods où leur musique est apparue un peu fade surtout au niveau de la voix et en comparaison avec la prestation des maîtres dans ce style Fu Manchu programmé en fin de journée.
Sinon, le gang New-Yorkais hardcore de Biohazard dans son line-up originel a su renverser, avec son énergie débordante, la Warzone en piochant des titres de ses trois premiers albums. Une prestation volcanique.
Jour 3
On a débuté cette troisième journée sur la Valley par Konvent, quatre danoises pratiquant une musique lourde très doom et lavec une voix hurlante limite black metal. Un set complexe et exigeant et totalement réussi. Une des plus belles découvertes à approfondir sur disque.
Ensuite, pour la première fois, on s’est dirigé vers une MainStage pour écouter Eternal Champion, groupe de heavy ayant plutôt la cote en ce moment et qui s’est avéré, au bout de deux titres, extrêmement décevant sur cette scène, bien trop grande pour eux.
On s’est ensuite dirigé vers Alta pour écouter un groupe de grindcore parisien, Kronos, un peu répétitif mais bien énergique, c’était déjà ça. Le circle pit était d’ailleurs déchaîné. Ce climat de violence s’est retrouvé avec les Américains de Sanguisugabogg et leur death metal mais teinté d’un léger groove. Ensuite, toujours dans la catégorie extrême, on a été totalement transporté par Wayfarer qui pratique du black métal à chapeau de cow-boys avec une sonorité légèrement gothique.
La suite de cette incroyable journée s’est déroulée de l’autre côté du site et plus particulièrement sur la Valley avec un enchaînement incroyable : Brutus, Kvelertak, Chelsea Wolfe et Mr. Bungle.
Tout d’abord, concernant les Belges de Brutus, on en a déjà dit le plus grand bien à de multiples reprises tant au niveau de leur disque que de leur prestation scénique. Ils ont su dégager une émotion notamment par le jeu de batterie de Stephanie Mannearts qui chante tout en jouant. Avec sa musique posthardcore très construite et mélodique, on reste persuadé que le groupe peut encore élargir son public.
Avec Kvelertak, c’était l’énergie des Finlandais qui nous a totalement emballés. Encore une fois, ils se sont retrouvés dans notre top du Hellfest comme lors de leur dernière participation. Le chanteur Ivar Nkolaisen harangue la foule, saute dans tous les sens et arrive toujours à concilier à la fois une énergie très rock'n'roll façon The Hives avec un chant bien agressif. On dit d’ailleurs qu’ils font du black’n’roll. Une prestation incroyable qui est passée bien trop vite.
Il faut reconnaître que l’ambiance était ensuite bien différente devant Chelsea Wolfe et il est probable que de nombreux festivaliers ne sont pas rentrés dans son univers. Cela n’a pas été notre cas dès lors qu’on a été envoûté par son univers teinté de gothisme, de doom et d’indu avec un set scindé en deux parties, une orientée vers son dernier album puis une autre avec sa guitare et un côté plus rock.
On a ensuite soufflé devant Nekromantix, psychobilly amusant à contrebasse mortuaire, avant d’affronter notre target du Hellfest 2024, Mr. Bungle. Il faut reconnaître que l’attente était énorme. Pour mémoire, Mr. Bungle est une formation composée de Mike Patton, Dave Lombardo, Scott Ian, Trey Spruance et et Trevor Dunn et il font une musique allant du trash vers des sons plus expérimentaux limite free jazz. On peut dire que Mr. Bungle rime avec liberté. Ici, ils ont donné une prestation plutôt trash axée sur leur dernier album (une première démo réenregistrée en 2023) avec le côté excentrique qui fait leur génie. Ils ont su être à la fois être inventif et très technique. Dans ce cocktail musical, il y a eu des reprises, notamment de 10cc ou de Sepultura avec Andreas Kisser en guest. Malgré des conditions météorologiques très défavorables (une pluie incessante), cette prestation était géniale et constituait le meilleur concert auquel on a assisté pendant ce Hellfest.
On a alors décidé d’arrêter notre journée à cet instant et ne pas aller voir Metallica qui était déjà passé deux ans auparavant, et qui avait alors présenté une très belle setlist. On a été plutôt bien inspiré sur ce coup-là mais on a quand même raté Julie Christmas qui a priori a donné une très belle prestation et dont on ne peut que conseiller son dernier disque, Ridiculous and full of blood particulièrement réussi.
Jour 4
Les Nantais de Sang Froid ont ouvert cette dernière journée sur la Temple. Il s’agit d’un groupe de cold wave composé, notamment de membres de Regarde Les Hommes Tomber. Il y a un côté très Sisters of Mercy dans leur musique et cela avait d’ailleurs enthousiasmé Lionel dans une de ses chroniques et franchement, on retrouve totalement cet univers sur scène avec une voix bien profonde.
Un petit tour aux Français de Klone, très Opeth, pour ensuite devoir faire un choix entre le black metal de Pensées Nocturnes et le hardcore de Gel. Finalement, notre choix s’est porté sur les premiers pour leur côté légèrement bordélique, un peu comme si Goran Bregovic rencontrait Emperor. Il s’agit en effet de black metal mais teinté d’instruments, de type accordéon ou trompette. Original.
Un petit tour vers la Hollande avec le dark rock de Dool et son côté dépressif puis le plein d’énergie a été fait ensuite avec les Californiens de Scowl. Il s’agit d’un groupe de hardcore mais avec un côté punk sur leur dernier EP et qui illustre d’ailleurs la hype autour de la scène hardcore en ce moment après le succès de Turnstile. D’ailleurs, la Warzone avait programmé sur cette journée de nombreux groupes participants à cette hype. La force de Scowl repose sur Kate Moss, sa chanteuse dotée d’une énergie incroyable et d’un fort charisme, qui, en principe, devrait entraîner ce groupe vers les cimes du succès.
Il en est tout autrement, concernant Show Me the Body, groupe de hardcore anglais qui nous a énormément déçu avec au passage une reprise de Sabotage complètement ratée. Au niveau déception, il y a eu également High Vis qu’on a trouve fade et manquant d’énergie. On se demandait même s'il s’agissait bien du groupe dont on avait tant aimé le disque No sense no feeling.
À l’inverse, les Anglais de Drug Church nous ont totalement convaincus alliant la fois du posthardcore avec un côté presque pop. Terriblement efficace. Au rayon énorme déception, les Irlandais de Therapy? sont apparus bien fatigués avec un chanteur à la voix très diminuée. Content de chantonner "Nowwhere" et ça s’arrête là.
On a ensuite termine cette dernière journée sur les mainstages bondées et remplies de festivaliers pas nécessairement metalleux. Sentiment d’ennui devant le duo rock Royal Blood puis devant Corey Taylor qui a quand même la bonne idée de finir et nous réveiller avec "Duality", une reprise de son groupe principal Slipknot.
Puis The Offspring a été une très belle surprise, et pour lequel on avait oublié qu’ils avaient fait autant de hits. Un vrai plaisir. Ensuite, légèrement déçu par Queens of the Stone Age, même s’ils ont parfaitement démontré notamment avec "Song for the dead" qu’ils avaient toute leur place au Hellfest. Il était d’ailleurs étonnant que certains aient pu se poser la question. On a clôturé ce Hellfest 2024 en sifflotant avec les Foo Fighters "All my life" et leur enchaînement de hits et la générosité légendaire de Dave Grohl. Un concert parfait pour clôturer nos 4 jours de festival.
En conclusion, une nouvelle fois le Hellfest a demontré en termes d’organisation qu’il était le festival le mieux structuré s’assurant du bien-être des festivaliers (transport, nourriture notamment). Il a su également mettre en place des mesures de protection par le dispositif Hellcare pour assurer la sécurité des personnes.
Sur le plan musical, il y a eu effectivement cette année une ouverture vers une musique plus rock et un public plus touristique mais en même temps, il y a toujours toujours autant de musiques extrêmes avec du death metal, hardcore, black metal, punk, grindcore et même du psychobilly. Ce compte-rendu est d’ailleurs une parfaite illustration de cette diversité musicale.
Allez, on se retrouve l’année prochaine pour la 18ème édition déjà sold out qui se déroulera le 19 au 22 juin 2025.
TOP : Mr Bungle, Scowl, Kvertlak, Biohazard, Satyricon, Houle, Konvent, Drug Church, Green Lung, Black rainbows, Brutus.