Réalisé par Damien Leone. Drame. 2 heures 5 minutes. Sortie le 9 octobre 2024. Avec David Howard Thornton, Lauren LaVera, Elliott Fullan, Samantha Caffidi.

Comme on n'y coupera pas, on commencera par cela : était-il nécessaire de rétablir l'interdiction aux moins de dix-huit ans pour ce troisième épisode des aventures glauquissimes d'Art le Clown ?

Honnêtement, n'en déplaise à ESC son distributeur dont on soutient par ailleurs dès qu'on peut le travail qu'il accomplit, il fallait un signal fort pour vraiment signifier que Terrifier 3 n'était pas qu'un tire-hémoglobine de plus, qu'il dépassait toutes les mesures dans l'horreur et que bien des âmes qui d'ordinaire paraissent endurcies allaient rejoindre dès la scène liminaire la catégorie de celles dites sensibles.

Sous sa casquette de jeune génie de l'horreur version vingt-et-unième siècle, Damien Leone a, effet, poussé tous les curseurs du cynisme et du mauvais goût, pour le plus grand plaisir des amateurs de l'horreur quand elle se surpasse dans les effets insoutenables...

Pour les retrouvailles d'Art le Clown, toujours sadiquement incarné par David Howard Thorton qui, derrière son maquillage noir et blanc peut passer en un instant du minimalisme d'une statue du musée Grévin à la fureur narquoise d'un bourreau nazi sous ecstasy, et de Sienna Shaw, la survivante de Terrifier 2, toujours aussi craquante en souffre-horreur flippée, Damien Leone a choisi la période de Noël. Histoire qu'Art se prenne au jeu et sorte sa hache, ses couteaux et sa tronçonneuse pour éclabousser de matière rougeâtre tous ceux qui attendaient, les yeux émerveillés, les cadeaux laissés par le père Noël.

Pas besoin d'être un grand idéologue, pour respirer le nihilisme anarchiste qui guide Damien Leone dans ses nombreux forfaits cinématographiques : non seulement, il n'hésite pas à couper en mille morceaux un couple de jeunes gens mignons en train de s'ébattre sous la douche avant les douze coups de minuit, mais malheur aux têtes blondes qui ouvrent les cadeaux déposés par Art dans un grand magasin. Un grand boum punira leur témérité.

Damien Leone n'aime certainement pas le tournant consumériste qu'à pris l'anniversaire de la naissance du petit Jésus. De là à jouer au Schtroumpf farceur version Daesch.

Pendant plus de deux heures, on va et vient entre quelques périodes de calme où l'on pense être revenu au temps des films gore soft où l'horreur est chichement montrée. Et puis, patatras, revoilà le boute-en-train en train d'introduire des rats dans l'oesophage d'une de ses victimes, d'arracher des peaux ou de transformer quelques mètres d'intestin grêle en guirlande de Noël qu'il dépose avec délicatesse sur les branches d'un sapin..

On sait que Damien Leone fait tout dans ses films, notamment les effets spéciaux et les maquillages. Peut-être que dans cette troisième mouture, qui s'achève sans vraie fin dans l'attente du tournage du quatrième numéro de cette barbarie circassienne, accumule-t-il trop de choses. On sort littéralement rincé de ce bric-à-brac qui, pendant deux heures, fait oublier tout le reste. On est parfois pas très fier d'avoir cautionné les délires d'un réalisateur en n'ayant pas théâtralement quitté la salle... Pour sa défense, on expliquera qu'au moins là on ne se sentait pas seul, alors que s'imaginer dans le sombre couloir qui menait hors la salle risquait véritablement d'entraîner une immédiate crise aiguë d'hystérie..

Reste qu'on n'est pas très rassuré par une époque où les Etats-Unis produisent de tels films. On peut s'apitoyer ici ou là sur des victimes de massacres réels mais on ne convaincra personne en affirmant que Damien Leone voulait transcender l'horreur des guerres actuelles.

Tout juste Terrifier 3 a à voir avec le constat porté par le titre de son film et l'on peut, hélas, prévoir - si c'est encore humainement possible - que Terrifier 4, s'il veut se mettre au niveau de l'actualité à venir, devra en montrer encore davantage.

Un sacré défi que le cinéma, cette fois, ne pourra pas forcément relever. On l'espère surtout si on finit par affirmer que Terrifier 3 est un film paradoxal, tour à tour et parfois en même temps, distrayant et éprouvant.