Spectacle adapté et mis en scène par Christine Farré, avec Ivana Coppola, Enrico Di Giovanni, Pierre Carrive, Claude-Bernard Perot et Bernard Montini. .
"Camille Claudel 1864-1943" : un titre dépouillé, objectif, claquant comme une épitaphe anonyme, une vie résumée à sa plus simple expression pour une artiste fascinante au destin bouleversant qui, de l’atelier à l’asile, est un personnage tragique par excellence dont la victimisation est devenue symbolique.
Christine Farré a fait un remarquable travail en écartant aussi bien la reconstitution que la fiction. Elle a eu l’intelligence de ne pas dresser de réquisitoire ni de plaidoyer, de ne faire ni une biographie illustrée ni une fresque didactique.
Elle essaye, au termes de ce qu’elle nomme ses "errances" de recoller les morceaux d’un puzzle, d’un portrait éclaté de la femme et de l’artiste à partir des correspondances de celle-ci mais également des témoignages et des écrits contemporains des critiques qui l’ont soutenue comme Octave Mirbeau, Matthias Morhardt, Henry Asselin, et bien évidemment Auguste Rodin l’amant et le mentor, et son frère Paul Claudel, l’académicien, celui qui devait être le seul génie de la famille, comme si chacun détenait une parcelle de vérité.
Christine Farré a également assuré la mise en scène de cette pièce en clairs-obscurs magnifiques comme les clairs-obscurs de l’âme de Camille Claudel, explorant toutes les pistes.
Femme libre, même recluse quand elle refuse de sculpter, son seul espace de liberté alors que tout lui était refusé, suicidée de la société (comme elle le dit elle-même "…l’exploitation de la femme, l’écrasement de l’artiste à qui l’on veut faire suer jusqu’au sang"), placée en situation psychologique d’échec la conduisant à la névrose ou renoncements successifs l'entraînant à susbstituer le délire à son activité artistique, où est la vérité ?
Dans le rôle de Camille Claudel, Ivana Coppola est tout à fait stupéfiante et déroutante. Elle réalise un magnifique travail d'incarnation avec une telle émotion et une telle intensité que l’on voit son corps et son visage se métamorphoser au fil des scènes, du temps qui passe et de la raison qui vacille.
La jeune femme sensuelle et débordante de vitalité créatrice devient une femme solitaire à qui l’on reproche “…crime épouvantable, c’est d’avoir vécu toute seule parmi mes chats et d’avoir la manie de la persécution" puis cette internée implorant le secours et la clémence des siens avec des mots d'enfant.
Un magnifique spectacle. |