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Interview autour de "Vive la France"  (Paris)  18 octobre 2006

2006 est un bon millésime pour Hervé-Bernard Omnès qui revient en force au théâtre avec pas moins de deux spectacles. Ce printemps au Vingtième Théâtre, il présentait un travail remarquable avec "Le projet Laramie" une pièce de Moises Kaufman, qui s'inscrit dans le théâtre-document politiquement engagé, dont il a assuré la traduction, l'adaptation et la mise en scène.

Cet automne, il investit le Théâtre Clavel dans un autre registre avec "Vive la France", qu'il qualifie de "revue française d'appellation drôlement contrôlée", qu'il a conçu et mis en scène à partir de textes de Jean-Claude Grumberg et des falmuses "Brèves de comptoir'" de Jean-Marie Gourio.

La frustration de n'avoir pu le rencontrer aux beaux jours s'est envolée en cet automne indien où Hervé-Bernard Omnès nous reçoit fort gentiment chez lui et fort chaleureusement autour d'une coupe de champagne.

Après avoir bien évidemment longuement évoqué "Le projet Laramie", nous parlons de l'actualité avec "Vive la France" et des projets à venir car attention: Herve-Bernard Omnès est un homme à suivre !

Pour paraphraser les Monthy Python, passons à quelque chose de complètement différent puisque 2006 est l'année Omnès et que vous êtes à l'affiche du Théâtre Clavel avec un autre spectacle de votre cru "Vive la France" mais un spectacle complètement français si je puis dire. ce changement de registre en dehors du côté respiration après le lourd spectacle "Le projet Laramie" est-il le deuxième visage de Hervé-Bernard Omnès ?

Hervé Bernard Omnès : Il est vrai que "Le projet Laramie" représentait 2 ans et demi de travail dans un registre lourd et triste. J'avais donc envie et besoin de m'en évader un peu pour respirer et rigoler ce qui est vrai. Et on m'apporte un jour une autre courte pièce de Jean-Claude Grumberg intitulée "Les vacances" que je ne connaissais pas. Je l'ai trouvée géniale et je me suis dit que je la monterai bien en l'encadrant des "Brèves de comptoir" de Jean-Marie Gourio du fait de la similitude de thème : les beaufs. Je contacte Grumberg qui me fait connaître son refus au motif qu'il garde cette pièce pour lui et qu'il souhaite monter personnellement. Et me laisse le soin de choisir tout ce que je veux dans son répertoire.

J'ai choisi "Sortie de théâtre un jour de pluie" et "Le pied de lampe". Et au lieu de faire "brèves/Grumberg/brèves" je fais "Grumberg/brèves/Grumberg/brèves" Et puis "Sortie de théâtre un jour de pluie" s"apparente aux "Brèves de comptoir" et au projet Laramie en ce qu'elle s'appuie sur de vrais dialogues qui ont été aménagés par Grumberg. Et j'aime bien cette idée de continuité dans mon travail même si je ne vais pas dire que je construis une œuvre.

Pour les "Brèves de comptoir" je le suis re-fadé les 3 500 pages de l'intégrale qui s'étalent sur 10-12 ans j'en ai lu plus d'un million. J'ai sélectionné celles qui m'ont paru particulièrement drôles et pertinentes. Un autre critère de sélection tenait à leur possible montage entre elles comme si on m'avait donné les répliques d'une pièce dans le désordre à charge pour moi de les assembler pour créer une pièce. Ce qui était très jouissif à faire car j'aime écrire même si jusqu'à présent je ne me suis pas attelé à l'acte d'écriture.

Je ne dis pas que je ne le ferai pas mais pour le moment je trouve chez les autres mieux que ce que je pourrai écrire personnellement. Donc je joue les pièces des autres. Ainsi la première série de brèves est conçue comme une revue de presse imbriquée avec la vie quotidienne des personnages. La seconde se passe autour du zinc où on parle de la vie, de la mort, de la sexualité et de la politique. J'avais envie de rire et de rire français.

Effectivement, chacun se souvient des "Brèves de comptoir" dites de manière individuelle et leur structure même semblait impliquer que seule cette forme était possible. Vous avez donc effectué un travail de transformation complète en la forme théâtrale. Par ailleurs, une constante l'absence de décor et de costumes. Comment avez-vous choisi les comédiens ?

Hervé Bernard Omnès : Nous retrouvons dans la distribution, qui est une distribution en alternance, 4 des comédiens du Projet Laramie, les autres n'ont pas voulu me suivre car ils étaient dégoûtés (rires) !

Une équipe particulièrement remarquable car l'exercice n'est pas simple. Le texte n'est pas simple, le rythme est soutenu et il y a un vrai travail de groupe.

Hervé Bernard Omnès : La nécessité m'a imposé ce choix mais en même temps j'ai envie d'en faire ma marque de fabrique. J'ai donc là également travaillé sur le texte d'abord. Et un texte comique qui est censé faire rire. Or quand d on découpe le texte en le noyant dans des effets il perd de sa drôlerie. Du coup il n'y avait que le texte. Et qui dit le texte ? Les comédiens. Donc forcément j'ai focalisé sur le travail des comédiens que je les ai fait bossé à 200 à l'heure.

Ce qu'ils font est très ardu car il s'agit de phrases courtes avec parfois quelques mots et elles font partie d'un tout qui doit s'enchaîner très vite. De plus pour moi la comédie ce n'est que le rythme et le rire c'est la rupture, la cassure; Et c'est cette rupture qui fait rire. Tous les grands comédiens du rire comme Jacqueline Maillan, Jean Le Poulain, Maria Pacôme, Muriel Robin sont des orfèvres en la matière.

Ce sont des techniciens, comme des danseurs. Et si vous ne maîtrisez pas cette technique vous ne pouvez pas faire rire. Certes vous pouvez avoir une gueule qui fait rigoler ou un sketch bien écrit qui fait rire vos copains mais vous ne serez pas un grand acteur comique. Il faut du rythme et de la rigueur et faire rire est beaucoup plus difficile que de faire pleurer.

Il n'y a pas de timing dans le pleur il n'y a que de l'émotion. C'est une horlogerie. Se prendre le pieds dans le tapis un quart de seconde trop tôt ou trop tard et cela tombe à l'eau. J'ai fait travailler les comédiens sur le rythme qui était mon seul fer de lance.

Ce sont de très bons comédiens puisqu'il s ne peuvent se rattacher à rien d'extérieur à eux et de plus ils doivent être tous les 4 en symbiose totale justement pour respecter cette mécanique. Donc chapeau !

Hervé Bernard Omnès : Et nous n'avons pas hésiter à augmenter la difficulté puisqu'il y a une distribution en alternance. Ce qui les a obligé à travailler en formation à géométrie variable et pour moi à ne pas les diriger en fonction d'un comédien identifié. Il en a résulté un travail qui est une partition, une chorégraphie comme dans la danse.

Donc tout le monde au pas !

Hervé Bernard Omnès : Tout à fait. Et au début, je ne parlerai pas de conflit car je ne suis pas un homme de conflit car je ne peux pas travailler dans une atmosphère qui ne soit pas paisible.

Il me faut une bonne ambiance, du champagne et de l'amusement. Parfois quand les acteurs sont en recherche sur les pistes que l'on leur donne il y a des moments où je sentais qu'il n'y avait pas de jus.

Je leur disais alors "Ne pense pas !". Il n'y a rien de pire qu'un acteur qui pense. On ne pense pas le rire qui est une mécanique. Le drame ou la tragédie se pensent car le comédien doit se nourrir intérieurement pour faire surgir et exprimer les émotions. Le rire est une énergie. Il faut être dedans à 200%. Si tu es mou….

….le public sera mou ? (rires)

Hervé Bernard Omnès : …et on ne peut pas être mou dans une comédie !

Quelle est la programmation prévue au Théâtre Clavel ?

Hervé Bernard Omnès : Tous les jeudis, vendredis et samedis au moins jusqu'au 30 décembre 2006. Ensuite on continue si ça marche bien et puis nous ferons Bercy en juin oui juillet au plus tard !(rires).

Comme il faut du temps pour monter un spectacle, y a-t-il déjà un troisième épisode de la saga Hervé-Bernard Omnès en préparation ?

Hervé Bernard Omnès : Il est vrai que la concrétisation des projets demande du temps et pourtant pour"Vive la France" tout a été bouclé en 2 mois et demi, c'est-à-dire écriture, répétition et spectacle. La prochaine étape est déjà en chantier avec une échéance en 2008. Je vais monter "Corpus Christi" une pièce de l'auteur américain Terrence McNally. Cette pièce raconte la vie d'un jeune garçon gay, Joshua, qui vit dans le Texas à Corpus Christi et qui se trouve être le fils du Christ, dont le parcours et le destin seront identiques. Il délivre un message d'amour comme le Christ.

Matthew Sheppard, le jeune garçon sujet de "Le projet Laramie" est mort la veille de la première représentation de "Corpsu Christi" à New York. Et un parallèle s'est dégagé à l'évidence avec la mort de Matthew Sheppard retrouvé crucifié à une barrière dans la grande plaine. Le deuxième point commun réside dans la levée de boucliers qu'a suscité cette pièce de la part de toutes les associations puritaines et conservatrices pour faire avorter le projet. Il y a eu des menaces de mort, des piquets de manifestants devant le théâtre et il a fallu l'intervention de grands auteurs comme d'Edward Albbe, de Tony Kuschner, Moises Kaufman pour que le théâtre ne renonce pas à la programmation. Quand la pièce est arrivée à Londres, les réactions furent identiques et un imam a lancé une fatwa contre l'auteur.

Voici ma prochaine étape qui va sûrement faire des vagues mais en même temps il faut bien que certains montent ces pièces en France et ce sera moi. On ne fait pas du théâtre simplement pour faire plaisir et faire rigoler. On fait aussi du théâtre pour faire bouger les choses et je crois beaucoup en la fonction politique, au sens de la vie de la cité, du théâtre. Et cette pièce s'inscrit dans une suite logique de travail.

Pour le plus court terme, je suis en phase de lecture et de recherche de pièces et nous avons plusieurs pistes mais rien d'abouti.

A défaut de plus de précisons, pouvez vos néanmoins nous dire le registre choisi ?

Hervé Bernard Omnès : Je suis quelqu'un qui adore rire mais j'aime assez le théâtre un peu grave. J'aime aussi sinon provoquer du moins monter des spectacles qui dérangent parce qu'il n'y en a pas tant que cela. Pas déranger pour déranger, par provocation gratuite. On a vu des choses très dérangeantes, d'avant garde dans les années 70. Je pense que le théâtre doit également être cela. On peut aller au théâtre pour se distraire et c'est très bien. On peut aller au théâtre pour voir des vedettes et c'est très bien.

Mais le théâtre doit aussi montrer des choses que l'on ne voit pas à la télévision. Le théâtre doit dire des choses par forcément faciles ou agréables à entendre et à voir, des choses qui bousculent. En France, on est un peu plan-plan donc je vais rester élément pertubateur.

Dans ce plan-plan généralisé et convenu, y a-t-il quand même des spectacles atypiques que vous avez apprécié ?

Hervé Bernard Omnès : J'ai énormément apprécié "Le cabaret des hommes perdus" au Théâtre du Rond Point. Et j'ai adoré "Dura Lex" monté par Marianne Groves au Vingtième Théâtre avec des acteurs extraordinaires. Cela étant, le spectacle a du mal à trouver son public car il aborde des thèmes, le serial killer, la prison, le prosélytisme religieux, que l'on voit à la télévision d'autant que les pitchs sont souvent succincts. Nous avons également souffert de cela pour "Le projet Laramie".

Ce qui marche bien en ce moment en France c'est le registre nostalgique vielles chansons, cabaret, comme "Rutabaga swing", "Frou Frou les bains" la veine un peu passéiste et rassurante du retour au bon vieux temps initié dans la veine du film "Les choristes". Pour le théâtre classique, le public se déplace mais pas pour le théâtre contemporain qui traite des thèmes qui sont archi montrés à la télévision.

En revanche ce registre fonctionne bien au cinéma ?

Hervé Bernard Omnès : Oui mais parce qu'il y a le support des têtes d'affiche. Et puis au cinéma il y a la distanciation de l'écran alors qu'au théâtre on prend le spectacle en pleine gueule avec un mec en face de soi. Le décor, les costumes participent aussi à faire que le spectateur se dit c'est du cinéma.

Au théâtre la confrontation est directe. On peut d'ailleurs se demander comment on peut regarder le journal télévisé qui montre des images horribles tout en mangeant paisiblement. Il est vrai que si on mettait dans leur salle à manger des mômes en train de crever de faim ou des hommes en train de se faire éclater la gueule cela lui couperait peut être l'appétit. Et en même temps je comprends que compte tenu du contexte actuel le public n'ait pas envie de se prendre la tête. Je le regrette mais je le comprends.

Et au théâtre les têtes e'affiche sont des comédiens qui se sont fait connaître par l'image.

Hervé Bernard Omnès : Bien sûr. Un homme de théâtre immense comme Laurent Terzieff est ignoré du grand public et pourtant c'est un monstre et il n'est pas là depuis hier. Il en va de même avec Michel Bouquet même s'il est un peu connu pour ses rôles dans les films de Claude Chabrol. Les Molière à la télé passionnent peu les téléspectateurs car ils ne connaissent pas les acteurs de théâtre ni les metteurs en scène.

En parlant de têtes d'affiche, et en attendant Hervé-Bernard Omnès à Bercy, y a-t-il des acteurs qualifiés de "bankable" avec qui vous aimeriez vous travailler ?

Hervé Bernard Omnès : Isabelle Huppert et Isabelle Adjani. Les acteurs masculins me font moins fantasmer que les actrices. Une actrice c'est magique. fantasmagorique. Comme Girardot,Rampling, Moreau, Ardant, Deneuve….

Vous ne choisissez pas les moindres …

Hervé Bernard Omnès : Tant qu'à faire…. Dans les plus jeunes il ya Sylvie Testud, Charlotte Gainsbourg, Sandrine Kiberlain, Juliette Binoche qui sont des filles belles intelligentes. En revanche,aux Etats-Unis, les acteurs masculins comme Clint Eastwood, Ed Harris, John Malkovitch, Christopher Walken qui sont des dieux vivants me font rêver ! En France peut être Duris, Duvauchelle.

Au théâtre Thierry Frémont est un acteur génial, Jean-Pierre Bacri, François Cluzet. Sûrement pas Xavier Gallais ou Charles Berling. Richard Berry est charmant mais il ne me subjugue pas. Pierre Arditi est un bon acteur mais il ne me fait pas fantasmer et je ne vois dans quoi je pourrais le faire jouer. Il n'a pas besoin de moi et je n'ai pas besoin de lui si je peux dire. Bon Adjani n'a pas besoin de moi non plus ! (rires) Mais j'aurai envie de me coltiner à Adjani et Huppert.

Les deux ensemble c'est peut être difficile ?

Hervé Bernard Omnès : Justement ça serait bien. Elles ont déjà travaillé ensemble dans "Les sœurs Bronte" de Téchiné.

Adjani-Huppert-Omnès le projet pour 2009 ?

Hervé Bernard Omnès : Ce serait magnifique ! Encore faut-il qu'elles aient envie de travailler ensemble car leur chemin de vie et leur parcours sont très différents. Je viens de voir Adjani dans "Marie Stuart". La pièce n'est pas bonne, le spectacle n'est pas très bon mais elle, elle est faramineuse ! Fa-ra-mi-neu-se ! J'ai vu un ange et j'étais hypnotisé du début à la fin. Elle est d'une grâce, d'une beauté, d'une évidence et elle peut tout faire sans qu'on ne voit rien. Sans doute comme Gérard Philippe, Sarah Bernhardt. Cette dernière représente 1 000 fois Madonna surtout par rapport à l'époque car elle faisait courir les foules du monde entier. Oui, vraiment les actrices me font fantasmer. C'est peut être mon côté BiIlly Wilder ! (rires). Je suis peut être le prochain Billy Wilder !

 

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L'interview de Hervé-Bernard Omnès autour de "Le projet Laramie"
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Crédits photos : Zénoid (Plus de photos sur Taste of Indie)


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"Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde" au Théâtre Le Funambule Montmartre

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