Ce n’est guère gai. A peine plus doux que la mort. Un poil plus vivant sans doute. De plus glauque, on n’avait alors connu que le Dyed in the wool de Shannon Wright. Peut-être les Murder ballads de Nick Cave, pour les plus aventureux, mélangeant joyeusement le valium et la nicotine en toute occasion, s’illuminant la face à l’écoute de Buckley ou des méandres du Cash période Rick Rubin.
Bref. Les névrosés amateurs de fantômes aux ombres fuyantes, le trémolo au fond du drap à deux trous qui les cache.
La canadienne Tamara Williamson, avec son The Boat s’inscrit directement sur la liste des prétendants au depressive contest. Et de bien belle manière, car si les névroses musicales sont souvent les plus belles, le Boat de Tamara navigue sans dérive en eau trouble.
Et commencer cet album solo de cet manière, c’est en quelque sorte signer son arrêt de mort commercial, renoncer aux passages sur MCM, MTV, Libération, dans une moindre mesure. Car l’americana de Tamara est belle, sur le fil, chant en équilibre instable, sorte d’équivalence féminine de Daniel Johnston.
Et "The Story", chanson d’ouverture terrible de lucidité, se déroule en arpèges mineurs, riche d’accompagnements en claviers, batterie qui frappe à côté, toujours juste, et… voila. L’auditeur est sous le charme au bout de trois chansons, "Self boubt"commence et c’est un pan de mur angélique qu’on se prend sur le cartilage. "I’m good inside" pleure Tamara Williamson, et nous bien forcés d’y croire, qui flanchons, sous le poids des chœurs parfaits.
The Boat, avec ses neuf perles émotionnelles, se décompose comme autant de contes maléfiques, des histoires pour enfants pas sages, pas prêts à dormir de si tôt. Tamara c’est un peu Martine à la plage, Martine à la campagne. Tamara plays "The Beginning", ouverture intimiste, Tamara plays "The dream" sous influence Shannon Wright, Tamara plays la rage folk qui explose sur "The Journey", Tamara fait sa Cat Power sur "The land"…
Et réussit son tour de passe-passe avec une seule guitare acoustique pour trousseau de clefs. Sa voix filtrée en ferait presque oublier qu’ici, il est question d’atmosphères et d’ambiances, plus que de mélodies. Tamara c’est tout un monde, un bout du Canada que la dame parvient à communiquer. Mieux que Linda Lemay oui, c’est évident.
The boat n’est pas une croisière qui s’amuse, c’est un radeau qui réfléchit. Avec pour unique objectif la terre ferme. On pourra penser, au mieux, au sublime album de Shearwater (Palo Santo) pour l’accompagner sur la route.
The Boat est un bon album, The Boat devrait être remboursé par la Sécu, The boat ne donne pas le mal de mer. Achetez The Boat. |