Un débit binaire, brut et ordinaire, des uns et de zéros, de Fa dièse et de Do. Le passage de l’analogique du numérique, et du végétal au digital. La dernière phase de l’humanité avant son downloading intégral, synthèse de l’homme-machine. Sans plus aucune frontière.
La dernière littéraire de Dantec, La grande jonction, pourrait bien avoir une bande-son, instrumentale conclusion sans paroles où seul le piano chanterait ses notes en delays infinis.
Ce disque… Be still, d’Adrian Klumpes.
L’éternel adage du "less is more", pour ce premier disque d’Adrian, résonne comme un écho. Un écho où les notes du piano sonneraient comme autant de gouttes d’eau sur le carrelage. Be Still, à l’heure des manufactures musicales, s’avère être un ovni mélodique, à cheval entre les compils Nature et Découverte bobo new age et les récents travaux de Philipp Glass, le maître de la musique répétitive, le pionnier des loops instrumentales.
Adrian, en bon élève australien, saisit sa chance et propose une aire contemplative et pourtant jamais lassante, comme ce "Unrest" qui carillonne dans l’infini, renvoie à d’autres sphères où l’auditeur serait acteur, libre de poser ses pensées sur le piano qui court.
Un clavier, posé au centre des enceintes, n’en finit pas de se démultiplier, s’auto sampler sur "Courneved", à la manière du Revolution n°9 de Lennon. Une ouverture sur l’extérieur en térabit, le regard posé sur la fenêtre du train qui roule, les cyprès qu’on dépasse allégrement. Le train va vite. Et comme les Glassworks de Philipp Glass, la musique de Klumpes ensorcelle à l’usure, envoûte à l’écoute, se propage dans l’air dans le prolongement des secondes, des rythmes qui se répètent jusqu’à la cassure, jusqu’au prochain mouvement ("Passing pain")
Avec ses airs minimalistes, Be Still n’échappe pas aux clichés, n’échappera pas aux adeptes de musiques de galeries modernes ("Why"). Adrian trébuche, et se relève sur le très grand "Exhale", ambiance tamisée et accords riches en 7ième avec un piano jazz très Bill Evans période You must believe in springs. La modernité en plus, celle de Boards of Canada pour la production aérienne, et de Thom Yorke pour l’utilisation du piano comme un laptop
De la beauté répétitive avec air climatisé. Disque parfait pour l’automne. |