Les années se suivent et se ressemblent pour le prolifique Jean-Louis Murat, entre un concert humanitaire à Clermont, un nouvel album et une tournée hexagonale. En effet, depuis quelques temps, rendez-vous est pris mi-juin dans la petite salle de la Coopérative de Mai pour une prestation à but caritatif de l’enfant du pays.
Voir le Jean-Louis à la maison dans ces conditions diffère en tout point de ses shows habituels. Accompagné par ses copains de toujours, Murat y atteint régulièrement des sommets, sans aucune limite de temps. Beaucoup moins discipliné et intimidé qu’à Paris, jamais avare d’une apostrophe au chanteur, le soutien du public à son préféré reste inconditionnel.
2006 ne faillit donc pas à la règle, même si Murat a dû faire face à la défection de Fred Jimenez parti rejoindre Peter Van Poehl. Entre deux et trois heures de jeu, des surprises à la pelle, des titres rares interprétés, pléthores de formations (groupe 1, solo, groupe 2 ...) : un spectacle exceptionnel, rien de moins. Sans oublier la primeur d’entendre des nouveaux titres, parmi lesquels le morceau éponyme de son dernier opus Taormina.
On l’aura compris, Jean-Louis Murat semble avoir délaissé les plateaux du Massif Central pour les côtes ensoleillées de la Sicile. Creusant profond dans le sillon de son précédent (Moscou), Taormina s’avère dès les premières écoutes extrêmement bien fait, fort agréable à écouter, fournissant une série de perles à inscrire parmi les meilleures de l’auvergnat : "Est-Ce Bien L’Amour ?", "Au Dedans De Moi" ou encore "Accueille Moi Paysage".
Comme souvent, les paroles sont magnifiques, subtilement poétiques, teintées d’un romantisme un peu désuet. Sans parler de cette voix tour à tour envoûtante, fébrile, charmeuse. Pourtant, en dépit de ces incontestables atouts, Taormina manque cruellement de surprises. On aurait aimé davantage d’originalité, retrouver le Murat prenant son monde à rebrousse poil comme sur Lilith ou Bird On A Poire. Sans compter que la qualité de l’ensemble manque parfois singulièrement d’homogénéité.
Qu’importe, notre homme s’embarque en tournée, pour quelques dizaines de dates à compter de la rentrée. Après une infidélité à la vénérable salle du boulevard Rochechouart au profit du Théâtre Edouard VII l’an passé, Murat effectuait son retour pour deux soirs à la Cigale. Petit changement de line-up donc, avec l’apparition de deux AS Dragon : Michael Garçon aux claviers et David Forgione à la basse. Pour l’occasion, une bonne partie des titres font l’objet d’une réorchestration : certaines parties de guitares se voyant exécutées au clavier.
Première moitié du set mitigée. Majoritairement dédiée aux titres les plus récents "Taormina", "Caillou", "L’Heure Du Berger", "Le Chemin Des Poneys", la prestation tarde à décoller. Les spectateurs ne bronchent pas, ou (trop) peu. Jean-Louis reste très distant, adressant avec parcimonie de polis remerciements. Sans se faire bougon, l’auvergnat ne se sent pas une âme communicative.
Deuxième moitié du set incroyablement réussie. Transcendé par un soudain réveil de l’audience, il enclenche la vitesse supérieure : "Est-Ce Bien L’Amour", "L’au-delà", "La Fille Du Capitaine". La performance bascule, pour virer au formidable. Fidèle à ses habitudes, Murat s’aventurera sur le terrain politique, dégotant au passage une petite pique à destination de Ségolène. Quel bonheur de le voir dans cet état.
On croirait voir Neil Young. Le concert s’achève sur un triomphe. Acclamé, ému, Jean-Louis reviendra quatre fois, délivrant au passage d’excellentes versions de "Les Jours du Jaguar" et "Le Cri Du Papillon".
Ce soir, Cigale en novembre rime avec Coopérative en juin. |