Pour une fois le titre ne ment pas sur le produit délivré, encore qu’il s’agisse ici d’une œuvre. Comme Delphine Dora l’annonce en blanc sur la jaquette, c’est assez inattendu.

Ce deuxième album est simplement pur, taillé pour les automnes et la saison du déclin qu’on fantasme derrière sa fenêtre. On pense un premier temps à la langueur colorée de Half Hasleep, auteur l’année dernière d’un sublime album émotionnel minimal (We are now seated in profile), et on apprend vite en cherchant un peu que Valérie Leclerq d’Half Asleep fait partie du voyage.

Et quel voyage. Comme Satie le maitre et Gonzales l’élève, Delphine Dora utilise le piano au maximum de ses possibilités limitées, comme un jouet dont on connaîtrait toutes les fonctions, en inventant d’autres en fonction des besoins. Et dès "Something about the world", c’est un début de conte pour adultes qui prend place, très Tim Burton dans l’esprit, une histoire de monstres cachés sous le matelas, un lit seul dans la forêt, et un piano dans les bois.

Forcément, seul Unique Records pouvait sortir un objet tel que celui-ci. Un disque original qui puise autant dans le moyen-âge que dans l’expérimental ("Balalaïka song"), des moments entrecoupés de réels moments de grâce tel que "Psy Ballet" avec toujours ce piano en fond comme seul décor. C’est brut, minimal et puissant. C’est une chambre blanche avec des mots qui volent à l’intérieur.

Et puis, alors qu’on s’attendait à entendre 1000 variations sur le même thème, Delphine Dora donne un grand coup de volant direction le pathos qui fait pleurer. De joie. "Don’t say a word", c’est l’inspiration de Thom Yorke seul au piano, le nez dans le whiskey, à pleurer ses amours perdus. C’est beau et ca joue l’intensité sur une minute et trente secondes. Oui, chez Delphine Dora, pas de refrain. Minimal qu’on vous dit.

"Lovely place", pour reprendre la filiation médiévaliste décrite plus haut, s’apparente à une version édulcorée du thème Irlandais de "Greensleeves", en nettement moins ennuyeux. Touché. On coule. Etonnamment l’album ne donne pas dans le larmoyant alors qu’on n’aurait qu’une envie. Se pendre avec l’album autour du cou.

De par son aspect court et concis, rempli de saynètes musicales ne dépassant pas les deux minutes, Delphine Dora et sa troupe se rapproche au plus près du travail de Satie. Pas un poil de graisse, et ça et là quelques réminiscences du travail de Nico.

L’album parfait pour passer l’été volets fermés à méditer sur la fin du monde. Ou son début.