Pourquoi avoir choisi ce nom, Pravda ?
Mac : Pravda, ça veut dire la vérité en russe, donc voilà, c’est un mot super fort, un peu provocateur, c’est pour ça qu’on l’a choisi, et pour plein d’autres raisons.
Sue : Et il finit en "a" comme les groupes de métal aussi…
Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, comment décririez-vous votre style musical ?
Sue : Punk rock électro. Punk parce que c’est des formats très courts, un peu "do it yourself", électro parce que c’est fait avec un ordinateur et rock parce que c’est nos influences !
Serez-vous encore deux ce soir sur scène ou le batteur viendra vous rejoindre ?
Mac : C’est pas vraiment un batteur en fait. Avant, sur la boite à rythmes, on avait demandé à mon pote Boris de venir jouer du charleston, c’est d’ailleurs ce qui se passe sur l’album. Mais Boris, il vit sa vie là, il fait un peu de vidéo, et plein de choses.
Sue : Il n’avait plus le temps de nous suivre en fait.
Pas de trio envisagé donc ?
Sue : C’est envisageable… On a déjà joué avec un batteur sur scène et c’était autre chose, c’était super.
Mac : On a un pote qui vient parfois jouer du tambourin sur scène, mais c’est que des surprises comme ça…
On parle souvent de provocation à votre propos…
Mac : Ben déjà quand tu fais de la musique, tu espères provoquer des réactions quand même, si tu fais de la musique pour que les gens s’endorment, t’es mal parti… Nous on fait de la musique pour réveiller les gens, pour être fun…
Sue : On avait un peu envie de remuer les choses parce qu’on trouvait qu’on s’endormait un peu musicalement en France. On n’écoutait pas beaucoup de musique française parce que c’était pas très excitant. On voulait faire un truc fun et changer un peu la donne en France. C’est un peu ambitieux ce que je dis, mais au moins faire le contrepied de la chanson française, juste un truc où on a envie de bouger la tête et de s’éclater. Et puis aussi parler de sexe, de drogue et de rock’n’roll, qui sont des thèmes rock.
Mac : On s’emmerdait vraiment à l’époque, au tout début des années 2000. Donc voilà on a fait Pravda et on a fait la musique qu’on aurait voulu entendre, avec des paroles aussi en français, et qui décapent.
Sue : C’était notre but.
Mac : Après, l’idée c’était de faire des fêtes à la maison et de mettre nos propres disques pour pouvoir danser dessus.
Sue : On glissait des maquettes à nous dans la playlist, sans dire que c’était nous et on voyait les réactions, mais ça faisait pas de bide…
Vous faites partie de l’héritage new wave, vous avez repris un morceau de Miss Kittin & The Hacker, "Frank Sinatra", avez-vous eu des réactions de leur part ?
Sue : The Hacker, oui, il le passe dans les clubs dans lesquels il joue, il aime bien cette reprise, on avait fait un split single à l’époque, qu’il avait commandé, et il aime bien, vraiment. Mais Miss Kittin on ne l’a jamais rencontrée.
Parlez-nous des Buzzcocks…
Sue : C’est un groupe qu’on kiffe vraiment.
Mac : En fait on a commencé par des reprises des Buzzcocks parce que, à la base, on n’avait pas du tout l’intention de monter un groupe mais juste de faire des reprises des Buzzcocks, un peu par hommage puis pour s’éclater, et finalement c’est devenu un groupe. Ce qu’on aime le plus dans les Buzzcocks, c’est l’aspect chanson, c’est pas vraiment leur son, ni le tempo mais c’est vraiment le texte et la manière dont ils organisent la musique, c’est très pop.
Avez-vous des envies de collaborations ?
Sue : On a bien sympathisé avec le producteur de Placebo qui nous a mixé deux titres, et c’est lui qui avait joué de la batterie avec nous une fois et j’aime bien le travail qu’il fait. Une collaboration en termes de production ou de réalisation ça peut être cool avec lui.
Mac : Mais c’est déjà pas mal de travail de collaborer à nous deux, on a déjà pas mal à faire … Sinon on rêverait de faire un solo de guitare avec Nono de Trust…
Sue : Ou aussi un remix de "Tu es à l’Ouest" par The Haker, ça pourrait être sympa aussi…
Qu’est-ce que vos premières parties d’Indochine ont apporté à Pravda ?
Sue : Ca a apporté un nouveau public.
Mac : Ca nous a aussi appris à faire de la scène sur des très grandes scènes. Et puis on jouait devant 5000 personnes qui nous découvraient, qui n’avaient jamais entendu parler de nous, à part les gens au premier rang qui cherchent à savoir qui est en première partie. On était super contents avec Indochine, parce qu’on ne s’attendait pas forcément à ce que le public nous apprécie.
Sue : Parce que à priori, on n’a pas grand-chose à voir avec eux…
Mac : Mais c’est vrai que la couche un peu jeune du public d’Indochine, les 15-25 ans, sont devenus fans de Pravda.
Sue : On a fait Placebo aussi, on a commencé par ça d’ailleurs. Découvrir des grandes salles, c’est bizarre, nous on était habitués à des petits clubs.
Mac : C’est marrant parce que par rapport à des petites salles où tu as un rapport direct avec les gens où tu peux leur taper dans la main, les regarder dans les yeux, là tu as affaire à une foule, plus à des gens. Et c’est un peu totalitaire, tu tapes une fois dans ta main, tout le monde va taper ensemble… Alors que dans les petites salles, c’est pas forcément comme ça, les gens sont plus indépendants.
C’est stressant ?
Sue : Ben le premier, c’était un peu flippant quand même, moi je suis arrivée, c’était la première fois que je voyais un Zénith vide, j’étais un peu impressionnée… Evidemment, Brian Molko m’avait calmée direct en me disant "Ah tu trouves ça grand ? Moi je trouve ça tout petit… " Mais après on s’habitue…Là on va faire Bercy avec Indochine, on se dit 5000, 8000, 15000 personnes, ça nous fait pas plus peur que ça.
Mac : T’es tellement concentré de A à Z sur les choses que tu es censé faire, et puis moi je suis assez préoccupé, si il y a une corde qui casse ou tous les petits soucis techniques, que tu n’as même pas le temps de réaliser… Une fois que tu es sur scène, tu n’as même pas réalisé que tu avais 5000 personnes devant toi. T’as pas vraiment le temps de stresser je crois.
Vous préférez vous défendre avec des textes en français ou en anglais ?
Mac : On ne se défend pas, on attaque !
Qu’est-ce qui est le plus intuitif à l’écriture ?
Sue : L’anglais. Pour le rock’n’roll, c’est l’anglais qui vient tout de suite. Les artistes bossent comme ça avec des yaourts de maquette… Mais le français, c’était un gros challenge dans Pravda, ne pas imiter Gainsbourg, mais penser à Gainsbourg, lui qui a la meilleure écriture rock française je trouve. Pour "Tu es à l’Ouest", les gens évoquent parfois Gainsbourg, ce qui m’énerve un peu parce que je n’ai pas essayé de le copier, ni de l’imiter même si je l’admire beaucoup.
C’est hyper dur d’écrire en français de façon pertinente, et de ne pas faire neuneu. En anglais, souvent, les groupes font des textes assez neuneus, on s’en moque dans le refrain du morceau « Body Addict », le refrain c’est "I love you, you love me, you love me, I love you". J’avais envie d’enfoncer le clou dans un côté gnan gnan et voilà ça passe vachement mieux en anglais qu’en français. Le français, c’est frontal…
Mac : C’est vrai que contrairement à d’autres groupes qui maquettent avec un yaourt en anglais puis qui, après, essaient d’écrire un texte en français, et qui doivent avoir du mal à faire ça, nous on a fait la musique d’un côté, Sue avait ses textes en français et on a essayé de les faire coller ensemble en modifiant l’un et l’autre. Les textes tenaient debout, « Tu es à l’Ouest » est venu tout seul et il n’y avait plus qu’à le coller avec une de mes musiques qui ne faisait pas trop rock français ni chanson…
Sue : Après il y a aussi la manière de le chanter, parce que, en français, on a tendance à vouloir plus parler que de faire des mélodies. C’est difficile d’être pop en français.
Mac : Pour s’en sortir, on ne pouvait pas faire des notes chantées, ça serait parlé, scandé. C’était le seul moyen pour faire passer le français en musique, pour inventer notre manière à nous de chanter… Parce que je trouve qu’en France, tout le monde se pose cette question. Quand j’écoute du rock français, de la chanson française, je me dis, tiens, les mecs ont essayé de trouver leur voix pour arriver à chanter en français.
Parce que, tu prends par exemple un morceau des Beatles, tu traduis les paroles en français, et ça fait tout de suite un truc tout pourri, tout variétés… Un morceau d’ACDC, tu le chantes en français, ça va pas le faire. J’ai l’impression que tout le monde est conscient de ça en France parce que la majorité des gens chantent en anglais. Et quand ils veulent chanter en français, on a l’impression qu’ils cherchent une méthode, une manière à eux de le faire passer. On a cherché la nôtre aussi…
Peut-on dire que vous combinez deux aspects, un côté plus songwriter et une musique pour faire bouger et danser ?
Sue : Oui, il faut que ce soit un tout. Déjà, la façon dont on écrit les textes est assez rythmique, j’ai juste envie que ce soit un instrument comme un autre. Quand j’essaie d’exprimer ce que j’ai vraiment au fond de moi, c’est difficile de faire sonner rock. Quand tu fais des textes politiques ou engagés, quand tu parles de choses de la vie, ça bascule vite dans le romantisme et on ne peut pas vraiment se permettre d’être romantique dans notre rock.
Mac : L’option qu’on a essayé d’éviter, c’était le texte chanté avec des notes. Et les mélodies dont tu parles, on évite de les faire à la voix mais on essaie de les faire avec d’autres instruments. Par exemple, dans "People Unit" ou dans "What did you expect ? " c’est une guitare qui fait la mélodie et la voix évite de faire des notes. On essaie tout le temps de mettre une mélodie ou un riff. Pour nous c’est important, un bon beat de boite à rythmes et des bons riffs pour donner un fil conducteur au morceau.
Dans le morceau "What did you expect", vous chantez "the world is running into fascism", il y a une référence à la politique française ?
Sue : A la politique mondiale en fait… Quand George Orwell écrivait 1984, il aurait pu écrire 2007. Parfois il y a des aspects de ce livre qu’on retrouve aujourd’hui, dans la surveillance, la sur-surveillance des gens : on ne peut pas prendre un avion tranquille…
Mac : Mais il n’y a pas que ça, il y a la même chose que dans les années 30, qui est de remplacer la lutte des classes par une autre opposition, par exemple il y a beaucoup de communautarisme. Il y a ce trait commun je trouve dans l’époque à laquelle on vit aujourd’hui, qui est de remplacer le concept qui était finalement traditionnel de lutte des classe par des choses qui n’ont plus rien à voir et qui désamorcent les méthodes, les organisations traditionnelles.
Sue : Le fascisme c’est surtout l’aspect du contrôle total des esprits. Donc quand je dis "he world is running into fascism", ça veut dire qu’on n’y est pas encore mais qu’on peut y arriver rapidement et sombrer dans un contrôle total des personnes. C’est oppressant et c’est ce dont on a peur.
Mac : Même si c’est sûr que ça ne pourra jamais revenir de la manière dont c’était avant, il n’y aura pas un mec à moustache qui va venir avec sa petite mèche et nous ressortir le même discours parce que c’est évident que ça ne marcherait pas de nos jours. Ca revient, mais de manière "soft".
Sue : De manière vicieuse même, sous-jacente et vicieuse. Ca revient même comme une pensée révolutionnaire, car depuis Hitler et Mussolini, on n’osait tellement plus penser comme ça, que, quand ça revient, ça fait presque révolutionnaire… Sarkozy, c’est un révolutionnaire…
Mac : Comme Mussolini et Hitler, ces gens se disent pour le peuple et presque anticapitalistes. Et il faut se méfier des gens qui se disent anticapitalistes. Il faut se méfier de tout et de tout le monde… Il faut apprendre à penser par soi-même.
Que pensez-vous de la nouvelle scène rock parisienne ? Pensez-vous que quelque chose a bougé ?
Mac : Ah oui carrément, c’est sûr !
Sue : Mais en même temps, je trouve ça un peu décevant parce que ce n’est pas aussi rock’n’roll qu’on l’aurait souhaité. Parce que quand on les voyait à leurs débuts, les Naast ou les Plasticines, c’était vraiment fun. Chez les Plasticines, il y avait un côté Ramones, c’était fun. Mais après quand c’est signé en major et que ça passe sous la moulinette du "il faut chanter en français", les quotas… Moi, ce qui m’énerve, c’est l’esprit franco-français qu’on a en musique. La France, c’est un petit pays dans le monde entier et on pourrait viser autre chose que les frontières françaises. A part ça, on est hyper content parce qu’on voit du rock à Taratata, on en entend sur les ondes… Ca popularise le rock’n’roll, il est remediatisé.
Mac : A Paris, il y a deux ou trois fois plus de concerts qu’avant. En 2000, il n’y en avait presque pas et maintenant, il y en a partout, on a des flyers toutes les semaines, il y a trois ou quatre concerts de rock donc c’est génial !
Sue : Paradoxalement, il y a l’industrie du disque qui s’effondre et il y a une flopée de groupes qui se créent. Je ne sais pas ce que ça va donner, mais bon, il y a myspace et tout ça donc on verra… En tout cas il y a beaucoup d’enthousiasme général.
Mac : Je trouve qu’au niveau des concerts, ça a vraiment explosé. Nous, on a fait un disque pour pouvoir faire des concerts parce que quand tu n’as pas fait d’album, c’est difficile de jouer. Pour nous, en tous cas, le plus important, c’est la scène, le plaisir de jouer tout le temps et partout. Un autre plaisir, c’est d’aller un peu partout et de voir qu’il y a toujours un groupe de rock qui joue et que ce n’est plus un dj qui passe des trucs.
Rock ou techno ?
Mac et Sue : Rock.
Pornographique ou érotique ?
Mac : Pornographique.
Sue : Erotique.
Le jour ou la nuit ?
Sue : La nuit.
Mac : Le jour.
Club ou festival ?
Sue : Club.
Contemporain ou romantique ?
Mac et Sue : Contemporain.
Hardware ou software ?
Sue : Software.
Mac : Un petit peu des deux.
France ou Angleterre ?
Sue : Angleterre. |